Entre Deux Eaux

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Riz et Riziculture

Dans les rizières de Sapa

Ayant parcouru les rizières de Sapa (Nord du Vietnam) pendant plusieurs jours, il nous a semblé impératif d’écrire un article sur le riz. Pour qui s’est rendu dans cette région aux milles terrasses, le lien sera évident. Pas un pan de montagne n’arbore le panel de couleurs complet que peut prendre le chaume lorsque vient le temps de la récolte. Entre les verts, les jaunes et les dorés, les paysans armés de leurs faucilles et vêtus de leurs tenues traditionnelles ethniques, coupent, battent, trient, sèche, brûle, transportent. C’est toute une armée qui se met en marche pour récolter la production du 2eme exportateur mondial. Un manège inoubliable…

Introduction botanique

Comme avant d’écrire chaque article, j’ouvre donc mon ordinateur de poche et tapote sur le clavier. J’ai bien réussi à identifier les différentes étapes de la récolte, facilement identifiables, pendant notre randonnée, mais d’autres informations me manquent. Wikipédia et la FAO complètent les trous. On y apprend notamment que les riz appartiennent au genre Oryza L. qui comprend plus d’une vingtaine d’espèces, dont deux seulement sont cultivées, Oryza sativa L., originaire de l’Asie, et Oryza glaberrima Steud., ou riz de Casamance, originaire d’Afrique centrale. Ces plusieurs milliers de variétés ont été classées historiquement en trois groupes :
• japonica à épillet court,
• indica à épillet très long,
• un groupe intermédiaire anciennement nommé javanica.

J’espère que les botanistes ne m’en voudront pas si j’ai arrêté là ma recherche scientifique pour me concentrer sur des aspects un peu plus socio-économiques (que nous le voulions ou non, les chats ne font pas des chiens…).



Lorsque l’histoire s’en mêle

Ce sont donc les chinois qui ont les premiers découverts les vertus nutritives de cette céréale et ont commencé à la cultiver il y a de cela près de 10 000 ans lors de la révolution néolithique. Ce savoir-faire se développa rapidement dans le reste du monde jusqu’à devenir aujourd’hui un des aliments de base de la population mondiale, surtout sur les continents africains et asiatiques. Car le riz a l’énorme souplesse de pouvoir être consommé sous toutes les coutures : si en France nous ne le connaissons que dans très peu de robes, les populations de ces deux continents ont de nombreuses recettes à nous fournir (voir recette en fin d’article): en grains, en pâte, en soupe, ou en dessert, il n’y a pas de limites !

L’Asie a de quoi se targuer : près de 90 % de la production mondiale est fournie par les cultures asiatiques de moussons. À elles seules, les productions totales additionnées de la Chine et de l’Inde dépassent la moitié de la production mondiale. L’Asie du Sud-Est, elle aussi, avait fait le pari –tenu- il y a quelques années de devenir autosuffisante en termes de riziculture. Si le Laos reste un pays importateur dû en majeure partie à sa topographie, la Thaïlande et le Vietnam sont respectivement premier et second exportateurs mondiaux.

Outre le fait de nourrir les foules, le riz leur fournit également un emploi. Près d’1 milliard de personnes travaillent directement ou indirectement pour sa culture. Celle-ci est réalisée majoritairement (près des 4/5 du riz mondial) par de petits agriculteurs dans des pays en développement à faible revenu.



Typologie

Lorsque l’on marche sur les parapets de terre qui séparent les terrasses, la riziculture devient un sujet passionnant. On remarque rapidement d’ailleurs que toutes les terrasses ne sont pas identiques et que les systèmes d’irrigation diffèrent d’un endroit à un autre. Cela est dû au type de riziculture employé, qui lui-même dépend en grande partie du terrain. Il existe trois grands types de rizicultures :

- La riziculture pluviale est pratiquée sans inondation du champ. Le pied est donc au sec. Ce type de culture à l’avantage de consommer moins d’eau et on le rencontre donc dans les zones tropicales d’Afrique de l’Ouest. Cependant, ces cultures extensives ou sèches offrent un rendement relativement faible.


- La riziculture inondée, comme son nom l’indique, est pratiquée dans des zones naturellement inondées et le niveau d’eau n’est donc pas (culture à forte profondeur) ou peu (culture à faible profondeur) contrôlé.


- La riziculture irriguée est la plus sophistiquée. Elle implique le contrôle à la fois de la présence d’eau et de son niveau par le cultivateur, et donc l’installation de systèmes d’irrigation, le nivellement des terrains et l’entretien des rizières. C’est le cas des cultures en terrasses par exemple. Les plantules de riz doivent être préalablement germées sous pépinière avant d’être plantées (voir ci-dessous). Comme la parcellisation est grande, la récolte doit obligatoirement être faite à la faucille, ce qui implique une main d’œuvre importante. Cependant, c’est la culture rizicole la plus intensive car ayant les meilleurs rendements et permettant plusieurs récoltes par an (jusqu’à trois dans le delta du Mékong).

Au niveau de la céréale en elle-même, il existe plus de 2000 variétés de riz cultivées, telle le riz blanc (Chine, Inde, France), riz cargo (Chine), jaune (Iran), violet (Laos), ou riz gluant (Chine, Indonésie, Laos). Il existe plusieurs systèmes de classification de ces variétés. L’une d’entre elles correspond à différentes étapes de traitement des grains :
• le paddy à l’état brut, correspond au fruit du riz, le caryopse, encore enveloppé dans deux glumelles grandes, coriaces et adhérentes


• Une fois que les deux glumelles ont été ôtées, on obtient le cargo ou riz complet, de couleur beige et don’t le grain est entire.


• Enfin, la cosse, le son et le germe sont retirés afin d’éviter la dégradation du riz et prolonger ainsi sa durée de conservation. Ce riz blanc est ensuite poli lui donnant une apparence blanche et brillante mais retirant en contrepartie une grande partie de ses qualités nutritionnelles.


Un autre système de classification souvent utilisé distingue les variétés en fonction du système de culture et des catégories d’eau : riz aquatique à variété pluvial, riz de submersion profonde, riz des zones humides à marée, riz pluvial et riz irrigué.



Les principaux producteurs de riz

La dernière classification officielle que j’ai pu trouver date de 2003, a titre indicatif :

Producteurs principaux de riz, 2003
(riz non usiné, MT)
1. Chine 166.000.000
2. Inde 133.513.000
3. Indonesie 51.849.200
4. Bangladesh 38.060.000
5. Viet Nam 34.605.400
6. Thaïlande 27.000.000
7. Myanmar 21.900.000
8. Philippines 13.171.087
9. Brésil 10.219.300
10. Japon 9.863.000

Source : FAO

Les étapes de la culture du riz

Ces étapes correspondent à la riziculture irriguée, la plus répandue. Lors de notre passage à Sapa, les rizières avaient pris cette belle couleur dorée, symbole d’une récolte imminente. En fonction de l’ensoleillement, nos avons donc pu observer des rizières encore vertes, d’autres en pleine récolte, d’autres encore dont le battage était en cours.

La préparation:
Labourage : Les buffles, attelés par les agriculteurs, tirent la charrue dans une boue gluante. Ainsi, les restes végétaux et le fumier sont enfouis afin d’homogénéiser la terre,
Nivellement du champ,
Germination des jeunes plants dans des plates-bandes de semences. Celles-ci proviennent de grains de première qualité triés par les femmes qui parcourent les champs avant les grandes récoltes,
Repiquage : Les plants sont ensuite repiqués dans les champs inondés à 20 cm les uns des autres. Ce processus est réalisé fait grâce à une tige de bambou que l’on pique dans le sol et au cœur de laquelle on laisse glisser le plant germé. Cette étape donne également lieu à des concours au sein des ethnies du nord : les femmes qui réalisent le meilleur repiquage, le plus aligné (donc plus facile à récolter) et le plus rapide sont celles pour la main desquelles les hommes se battent !
• Trois semaines avant la récolte, l’eau est évacuée.

La récolte (en moyenne 5 à 6 mois après la plantation en fonction du climat)
Récolte: Les panicules dorées sont coupées à la faucille, puis disposées en quinconce à même la rizière,
Séchage : ainsi disposées, les panicules sont séchées au soleil, éparses ou liées. A la fin de cette étape, on obtient le paddy.

Les “activités post-récoltes” : c’est la série d’opérations qui vont du “sol jusqu’à la fourchette”:
Battage : de loin, ce son de tambourin résonne dans les montagnes. Les bottes séchées sont frappées sur le sol ou contre des planches en bois afin de détacher le fruit du chaume. Le battage, très fatiguant, est de plus en plus mécanisé.
Vannage : c’est celui qui donne lieu aux panoramas les plus scéniques. Les paysans, protégés du soleil par leurs chapeaux en pointe, se tiennent droit sur une rizière en hauteur et brandissent des corbeilles plates au dessus de leur tête, laissant couler un flot continu de grains pour que le vent emporte la glume légère. Les « bons grains », eux, retombent en contrebas.
Les grains ainsi triés sont ensuite stockés, usinés, traités et acheminés au marché, avant d’être vendus et cuits par le consommateur. « Du sol jusqu’à la fourchette”!



Les dilemmes de la riziculture
(Source : FAO)

Une forte consommation en eau. L’acheminement de l’eau joue un rôle important et varie selon les conditions de chaque endroit : collecte de l’eau de pluie ou retenues d’eau, des infrastructures d’irrigation, même précaires, sont souvent nécessaires. Quitte à déverser l’eau dans les champs à l’aide de seaux !

Des conséquences environnementales mitigées. Ces procédés spécifiques de gestion de l’eau et de culture peuvent avoir des conséquences positives sur l’environnement : prévention de l’érosion du sol et des glissements de terrain, lutte contre les inondations, percolation et réalimentation de nappe. Cependant, l’inondation continue des rizières sans période de séchage adéquate a des incidences négatives sur d’autres processus chimiques et biologiques au sein du sol. En outre, il est un fait établi que les sols aquatiques émettent du méthane, un gaz à effet de serre. Enfin, la présence continue d’eau encourage l’apparition de maladies, tels que le paludisme. Il est donc nécessaire d’user de pratiques agricoles avisées.

Une culture protégée économiquement. A quelques exceptions près, sur le plan national, les plus gros producteurs de riz en sont aussi les plus gros consommateurs. Les gouvernements se trouvent donc souvent aux prises avec le dilemme classique - à savoir, maintien des prix au plus bas pour les consommateurs modestes, et maintien de profits avantageux pour les producteurs. Cela entraîne souvent une politique interventionniste des gouvernements.

Des valeurs nutritives insuffisantes. Bien que le riz fournisse une partie importante de l’apport alimentaire énergétique, il a un profil acide aminé incomplet et contient des quantités limitées de substances nutritives essentielles. Si elles venaient à être mieux utilisées, les variétés aux valeurs nutritives plus élevées pourraient faire diminuer le fardeau de la malnutrition collective.

Une utilisation totale et maximale. Dans le riz, tout se mange ou est utile : pas de pertes ! Les rizières sont des écosystèmes très diversifiés qui fournissent de la nourriture à de nombreux animaux. D’autre part, les déchets organiques du bétail peuvent être recyclés en engrais organiques. Outre la graine, le chaume qui reste de la récolte est réutilisé pour nourrir et réchauffer le bétail en hiver.



Proverbes de riz vietnamiens

La culture du riz est très variable au Vietnam lorsque l’on considère d’une part les montagnes du nord (où une seule culture est réalisée par an, servant principalement à l’autosuffisance des populations ethniques) ou le Delta du Mékong (avec trois cultures par an, visant à l’exportation). Mais quelque soit la province, nombre de proverbes sont basés sur le riz, preuve de l’importance de la céréale pour ce peuple asiatique.

” En temps normal, les hommes de savoir occupent le premier rang, les fermiers étant relégués au deuxième rang. Mais en période de famine, les fermiers occupent le premier rang, et les hommes de savoir viennent en deuxième rang “.

“Faute de riz, on mange de la bouillie”

« Pour faire la guerre, il faut du riz ; pour faire la paix, il faut du riz aussi »

“Au repas, il faut regarder la marmite de riz, s’asseoir à la place convenable” (An trông nôi ngôi trông huong)

“Du bon vin de riz, il faut le boire avec des amis” (Ruou ngon phai có ban hiên)

« Il en a assez du riz, il veut gouter la soupe chinoise » en référence à un homme infidèle

« Heureux comme une souris dans un sac de riz »

« Il ne mange plus de riz, il veut manger la terre » Ce dit d’un homme qui va mourir : soit au chevet de la mort, soit pour un homme qui prend de grands risques.

Recette : le Banh Chung vietnamien

Le Banh Chung est un gâteau de riz gluant qui est consommé lors de la célébration de la nouvelle année lunaire (Tet))

Ingrédients (4 à 6 portions):
1 kg de riz gluant
Une Demi-cuillère à soupe de sel
Extrait de feuilles de Dua (peut être remplacé par un extrait d’épinards)
500 g d’haricots mung (soja vert)
1 oignon émincé
200 g de poitrine de porc, en tranches
Sel, poivre noir
Un cadre en bois, mesurant 40 cm x 30 cm
Feuilles de bananier (peuvent être remplacées par du papier d’aluminium)

Préparation:
Laver et rincer le riz gluant et bien égoutter. Ajouter une demi-cuillère à soupe de sel, puis faire tremper dans de l’extrait de Dua ou d’épinards pendant 20 minutes.

Faire tremper les haricots mung (soja vert) pendant 2 heures dans de l’eau chaude, égoutter et décortiquer le soja vert. Faire cuire les haricots mung de la même manière que vous le feriez pour du riz usiné, puis broyez-les ou faites-en une purée. Mélanger cette purée à l’oignon et aux tranches de poitrine de porc. Ajouter du sel et du poivre noir.

Créer un treillis de ficelle dans le cadre en bois puis ajouter 3 couches de feuilles de bananier. Verser une moitié du riz gluant égoutté et étendre la pâte ainsi obtenue de manière égale. Etendre en une couche égale la purée d’haricots mung préparée au centre de la couche de riz gluant. Verser la moitié restante du riz gluant. Plier avec soin les feuilles de bananier et nouer la ficelle de manière solide. Enfin, retirer le paquet du cadre en bois et faire cuire dans de l’eau bouillante pendant au moins 5 heures.

Après ces bonnes paroles, il ne nous reste plus qu’à vous souhaiter « An Com ! » c’est à dire « A table » ou littéralement « Manger du Riz » en vietnamien !

Plus d’infos :
Site de la FAO (www.fao.org/rice2004/fr ) avec des fiches de synthèse réalisées à l’occasion de l’année du riz (2004) : http://www.fao.org/rice2004/fr/factsheets.htm.


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