Entre Deux Eaux

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Consommation

L’eau virtuelle

Il faut une baignoire pour faire un œuf. Eh oui, si l’on considère qu’une baignoire contient en moyenne 200L d’eau et que la production d’un œuf en nécessite 135L, il faut la quantité d’eau contenue dans une petite baignoire pour faire un œuf. C’est le concept d « eau virtuelle » apparu grâce au scientifique environnemental britannique John Anthony Allan dans les années 1990. L’idée est de ne plus considérer uniquement la quantité d’eau inhérente au produit, mais aussi la quantité d’eau nécessaire à sa fabrication. Allan (2005) écrit : « L’eau est dite virtuelle car une fois que le blé a poussé, l’eau réelle utilisée pour le cultiver n’est plus contenue dans le blé ». Hoekstra et Chapagain (2007) précisent la definition d’eau virtuelle comme “le volume d’eau douce utilisé pour produire le produit, mesuré à l’endroit où le produit a été effectivement produit ».

Une baignoire pour un œuf…

Si l’on reprend l’exemple de l’œuf, il faut environ 6 mois avant que la poule ne ponde son premier œuf. Durant ces 6 mois, la poule va consommer une certaine quantité de grain et une certaine quantité d’eau. Pour cultiver le grain, il va falloir encore de l’eau (1kg de blé = 1160Litres d’eau virtuelle). En additionnant toutes ces sommes, on obtient la quantité de 135L pour un seul œuf !

BON A SAVOIR
L’Unité de l’eau virtuelle est le litre d’eau par kilo

Trois couleurs pour un produit

Le contenu en eau virtuelle d’un produit s’exprime à travers trois couleurs : vert, bleu et gris.

VERT : C’est le volume total d’eau de pluie qui s’est évaporée pendant le processus de production (incluant l’évapotranspiration des plantes et d’autres formes de transpiration). Bien sûr, cette couleur concerne majoritairement les produits agricoles.

BLEU : C’est le volume d’eau de surface ou souterraine qui s’est évaporée en résultat de la production du produit.

GRIS : C’est le volume d’eau qui devient pollué pendant la production du produit. On le calcule en regardant le volume d’eau requis pour diluer les polluants utilisés pour la production.

Qu’elles s’évaporent ou qu’elles soient polluées, ces trois couleurs ont en commun qu’elles représentent des eaux « perdues », c’est-à-dire non réutilisables immédiatement (ultérieurement, l’eau évaporée retombera ailleurs sous forme de pluie et l’eau polluée pourra être traitée).

Une journée d’eau virtuelle…

Calculez en quelques minutes votre empreinte eau approximative sur une seule journée. Quelques ingrédients :

POUR COMPARER…
1 bouteille = 1,5L
1 baignoire = 200L

Petit-déjeuner
1 tasse de café = 140 litres d’eau.
1 tasse de thé = 30L
1 verre de jus d’orange = 170L
1 verre de jus de pomme = 190L
1 verre de lait (20cl) = 200L
1 œuf = 135L

Apéro
1 demi de bière = 75L
1 paquet de chips (200g) = 18L
1 tablette de chocolat (200g) = 4800L

Repas
1 pomme de terre (100g) = 25L
1 tomate = 13L
1kg de blé = 1160L
1kg de riz = 1400L
1kg de steak de bœuf = 16 000 litres d’eau,
1kg de porc = 4856 litres d’eau virtuelle,
1kg de poulet = 3918.
1 kg de fromage = 4914 litres d’eau au kilo
1 tranche de pain = 40L
1 hamburger = 2400L
1 verre de vin (12,5cl) = 120 L
1 pomme = 70L
1 orange = 50L

Vêtements & consommables
1 Paire de chaussures = 8000 L
1 T-shirt en coton = 4100L
1 jean = 11000L
1 couche jetable (75g) = 810L
1 drap en coton = 10600L
1 feuille de papier A4 = 10L
1 puce électronique = 32L
Source : Water footprint of nations, A.K.Chapagain et A.Y. Hoekstra, Unesco, 2004


Pour calculer précisément votre empreinte sur l’eau individuelle, rendez-vous sur: www.waterfootprint.org

L’eau virtuelle dans les échanges

Bien sûr, l’eau virtuelle se matérialise surtout dans les échanges. Dès l’apparition de son concept, elle est considérée comme un instrument pour établir des stratégies à la fois scientifiques et économiques. En effet, un pays qui manque d’eau pourra, en théorie, importer des produits dont la production en nécessite beaucoup, afin d’ « économiser » de l’eau. Dans la réalité, ce n’est pas si simple que ça.

Comme l’a souligné Daniel Zimmer (directeur du Conseil mondial de l’eau) au Forum mondial de l’eau de 2003 à Kyōto, « Les différences dans l’utilisation de cette eau virtuelle sont frappantes d’un continent à l’autre. Si, en Asie, on en consomme en moyenne 1 400 litres par jour et par habitant, ce chiffre avoisine les 4 000 litres en Europe et en Amérique du Nord »

Prenons l’exemple d’un produit industriel. En moyenne, un produit industriel contient 80 litres d’eau par dollar. Cependant, aux Etats-Unis, cette moyenne augmente à 100 litres d’eau par dollar tandis qu’au Japon, elle n’est que de 10 litres d’eau par dollar. Cela est dû au fait que le Japon produit surtout des biens industriels (de type électronique) peu consommateurs d’eau par rapport aux denrées alimentaires, mais à forte valeur ajoutée. D’abord encensé, le concept d’ « eau virtuelle » a depuis été relativisé. Selon l’Unesco, 67% du commerce de l’eau virtuelle est lié à l’agriculture, 23% à l’élevage, et 10% au commerce des produits industriels.

Source : A.Y. Hoekstra et P.Q. Hung. Virtual water trade - A quantification of virtual water flows between nations in relation to international crop trade.

Sur cette carte représentant les volumes mondiaux d’eau virtuelle (en Gm3), les pays qui importent de l’eau sous forme virtuelle sont en rouge, ceux qui en exportent sont en vert.

Principaux exportateurs d’eau virtuelle :
Continent américain, Asie du Sud-est et Océanie.

Principaux importateurs d’eau virtuelle :
Afrique du Nord (Egypte), Europe de l’Ouest (Pays, Bas, Espagne, Allemagne, Italie) et l’Asie centrale et du Sud (Sri Lanka, Japon, Corée du Sud, Chine)

L’eau étant très coûteuse à transporter, l’eau virtuelle pourrait être un moyen de compenser des situations hydriques inégalitaires d’un pays à l’autre. Malheureusement, pour l’instant, elle n’est pas considérée comme telle. Paradoxalement, la mondialisation a touché les échanges, mais pas les courants de pensée les concernant. Ces idées entraineraient une refonte des réseaux commerciaux actuels pour des échanges plus justes et respectueux de l’environnement. C’est d’ailleurs, selon moi, une des principales voies de lutte contre les conséquences du réchauffement climatique : il va bien falloir que les pays deviennent interdépendants et oublient pendant quelques siècles l’équilibre de leurs balances commerciales. Produisons les cultures consommatrices d’eau là ou il y en a et celles qui en ont moins besoin dans des zones plus arides !

Sans attendre une révolution virtuelle, pour réduire leur consommation en eau, les pays en situation de stress hydrique devraient adopter des cultures plus économes tout en améliorant leurs pratiques agricoles (goutte à goutte, champs ombragés pour réduire l’évaporation…). En Palestine, nous nous sommes retrouvés pendant une semaine dans une ferme louée par trois amis anglais. Leur objectif : « Etablir un mouvement de permaculture auprès de la population des territoires palestiniens ». Bustan Qaraaqa est un havre de paix au cœur d’un pays en guerre et surtout en situation de grave manque d’eau. La dernière fois que nous les avons contactés, ils ne pouvaient plus se permettre de prendre de douches tant la ressource était rare. Pour compenser, ils ont mis en place un certain nombre de pratiques artisanales permettant d’économiser de l’eau tout en maintenant leurs cultures : utiliser des hautes herbes dans le potager pour réduire l’évaporation, planter en spirale pour drainer l’eau au maximum, …(Pour en savoir plus : www.bustanqaraaqa.org).

L’empreinte hydrologique ou empreinte sur l’eau

En anglais « water footprint », l’empreinte hydrologique d’un pays est l’utilisation réelle en eau de ce pays, c’est-à-dire le total de la consommation domestique du pays, plus ses importations d’eau virtuelle et diminué de ses exportations d’eau virtuelle. Ce chiffre n’est pas évident à évaluer, dans la mesure où il imbrique beaucoup de produits les uns dans les autres : doit-on y inclure l’eau virtuelle incluse dans le grain qui a servi à nourrir les poules dont les œufs sont exportés ?

Source : Water footprint of nations, A.K.Chapagain et A.Y. Hoekstra, Unesco, 2004

Les limites de la mesure d’eau virtuelle

Certaines critiques peuvent être faites au concept d’eau virtuelle :
1. Toutes les sources d’eau (pluie, irrigation,…) ne sont pas de même valeur,
2. Le concept implique que l’eau économisée en réduisant une activité très consommatrice en eau peut-être réutilisée pour une activité moins consommatrices, ce qui n’est pas nécessairement le cas.
3. Le concept est explicatif mais ne fournit en aucune sorte d’indication sur l’utilisation de l’eau, si celle-ci est respectueuse de l’environnement et dans des limites acceptables d’extraction ou non.

Conclusion

Une des réflexions amenée par le débat de l’eau virtuelle serait d’essayer de mieux refléter les besoins en eau dans le prix total d’un produit. On pourrait alors envisager la création d’un « label eau » qui indiquerait sur chaque produit la quantité d’eau virtuelle nécessaire pour le produire. Aujourd’hui, ce coût est considéré comme négligeable. Or, il apparaît déjà dans certains pays comme indispensable de repenser la filière de production et donc, les modes de consommation. Après le Bio et les produits Equitables, à quand le « label eau » ?

Sources :
o Magazine TerraEco, « Eau, le luxe de demain », juillet/août 2010
o L’internaute, Dossier « L’eau virtuelle », Juillet 2005
o Conseil Mondial De L’eau, « Virtual Water Trade - Conscious Choice », mars 2004.
Téléchargeable sur : http://www.worldwatercouncil.org/fileadmin/wwc/Programs/Virtual_Water/virtual_water_final_synthesis.pdf
o A.Y. Hoekstra, P.Q. Hung, « Virtual water trade - A quantification of virtual water flows between nations in relation to international crop trade”, Research Report Series No.11, Septembre 2002
Téléchargeable sur : http://www.unesco-ihe.org/content/download/1930/20427/file/Report11-Hoekstra-Hung.pdf
o Hoekstra AY, Chapagain AK (2007). “Water footprints of nations: water use by people as a function of their consumption pattern”. Water Resources Management 21 (1): 35–48.
Téléchargeable sur : http://www.waterfootprint.org/downloads/WaterFootprintManual2009.pdf


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