Entre Deux Eaux

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Juridique

Le droit international de l’eau

Au jour d’aujourd’hui, les lois internationales, a proprement parler, en sont encore a un stade embryonnaire. Cependant, de plus en plus, la nécessité d’une régulation supra-nationale se fait sentir. Cependant, qui a l’autorité d’établir ces lois, par quel mécanisme, et comment les faire appliquer ? De nombreuses questions restent encore à éclaircir.

Le fonctionnement historique coutumier

Dans le domaine de l’eau en particulier, la régulation entre les Etats fut, jusqu’à aujourd’hui, basée majoritairement sur un présupposé historique. Aussi enfantin que cela puisse paraître, deux arguments prévalent :

1. « J’étais là avant toi » : c’est la doctrine du privilège précédent ou droit de priorité, selon laquelle le premier utilisateur de l’eau acquiert le droit d’utilisation de cette eau. Cependant, ce droit ne donne pas au premier arrivé l’autorisation de se servir comme bon lui semble, mais dans une part proportionnelle à ses besoins.

2. « Je suis en amont donc je suis le plus fort » : il s’agit ici de souveraineté territoriale. Le pays en amont estime qu’il est le seul à pouvoir décider de sa consommation d’eau et par conséquent la quantité qui coule pour les pays situés en aval.

Cependant, le manque de mécanismes neutres de mise en application rend souvent ces lois coutumières caduques. Pour peu que l’un des pays du bassin ne reconnaisse pas le droit riverain de l’autre, le conflit s’envenime rapidement. On reconnaît là l’importance du rôle des commissions de bassin pour harmoniser les règles du bassin. Sans elles les pays traitent entre eux mais généralement ils ne sont pas plus de deux autour de la table. C’est ainsi que l’Egypte et le Soudan ont signé en 1959 un traité pour la « complète utilisation du Nil » sans y introduire les autres pays riverains. Ou bien encore que la Syrie a du traiter séparément avec la Turquie et l’Irak pour déterminer la quantité d’eau qu’elle peut prélever de l’Euphrate (1987 puis 1990).

Le meilleur exemple dans le domaine est la Commission Mixte Internationale entre les Etats-Unis et le Canada sur le Saint Laurent (www.ijc.org) qui a un pouvoir supra étatique.

Les principes généraux

Au fur et à mesure de l’émergence de conflits d’usage au sein des bassins, des verdicts ont été rendus par la Cour Internationale de Justice (CIJ) et les tribunaux locaux qui ont amené progressivement à la signature de traités et à la formulation de principes généraux. Les premiers traités sur l’eau concernaient majoritairement la navigation et l’hydroélectricité. Ce sont par exemple le Traité de Paris de 1856, l’Acte général de Berlin du 26 février 1885 établissant la libre navigation sur le Niger et Le Congo, le Traité de Washington du 3 février 1944 conclu entre les Etats Unis et le Mexique ou le traité autour du barrage d’Itaipu conclu entre le Brésil et le Paraguay le 6 avril 1973.

Puis, à partir des années 1980, le spectre juridique commence à changer. A partir des arrêts de la CIJ de Corfou en 1949 et de Gabcikovo-Nagymaros en 1997, on peut identifier quatre approches juridiques principales :

§ La Souveraineté territoriale absolue (doctrine dite “Harmon” formulée lors du différend qui a opposé les Etats-Unis au Mexique en 1895 à propos du Rio Grande): C’est l’argument emprunté par les Etats situés en amont selon lequel la ressource nationale est exclusive, quelque soit le tort porté aux autres riverains.

  • L’Intégrité absolue : En contrepartie, les Etats en aval revendiquent l’intégrité absolue selon laquelle l’Etat en amont doit préserver la qualité et la quantité du cours d’eau pour l’Etat en aval.

Considérant l’incompatibilité de ces 2 premiers principes, 2 autres furent développés, qui tentent de concilier les intérêts des différentes parties :

  • La Souveraineté territoriale limitée : ce principe est basé sur le Principe de l’utilisation équitable. Les pays reconnaissent partager une ressource commune, la souveraineté de chacun étant limitée au territoire national, sans causer de dommages aux autres.
  • La Communauté des intérêts : Gestion intégrée des eaux de surface et souterraines dans une perspective sociale, économique et environnementale.

Plus globalement, des principes de bonne gestion des eaux peuvent être dégagés :

(Note : En fonction des sources et des auteurs, ces approches et ces principes seront classés et présentés différemment, reprenant cependant toujours les mêmes fondements.)

· Ne pas causer de dommages aux autres : interdiction de réaliser des aménagements susceptibles d’avoir des conséquences dommageables appréciables et durables au détriment d’autres Etats,

· Bon voisinage : un Etat partageant un bassin avec un autre Etat ne doit rien entreprendre qui soit de nature à avoir des répercussions négatives sur le territoire de l’autre Etat,

  • Coopération, information, consultation, négociation : les Etats se doivent d’informer les autres riverains préalablement à tout projet affectant le cours du fleuve, ainsi que de coopérer et de négocier de bonne foi et dans l’objectif d’aboutir à un accord.
  • Utilisation équitable et raisonnable : il n’existe pas de définition précise actuellement mais l’Etat en amont a le droit d’exploiter ses ressources hydrauliques sous 2 limites : le Principe de proportionnalité et la Notion de dommage quantitatif et qualitatif,
  • Utilisation optimale,

Les tentatives de règlementations internationales.

Plusieurs traités tentent de codifier l’usage des cours d’eau internationaux. Parmi eux :

§ Les Règles d’Helsinki relatives aux usages des eaux de cours d’eau internationaux (1966)

Télécharger (http://webworld.unesco.org/water/wwap/pccp/cd/pdf/educational_tools/course_modules/reference_documents/internationalregionconventions/helsinkirules.pdf)

Ces règles reprennent les principes d’utilisation équitable et raisonnable (art 4 à 8 ) et tentent d’en donner une définition globale. Elles proposent également de réguler la pollution des eaux et d’interdire le détournement des cours d’eau ayant des conséquences sociales ou environnementales. Dans le cas d’un conflit entre Etats, les règles insistent sur la primeur de la négociation.

§ La Convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux (1992)

Télécharger : http://www.unece.org/env/water/documents/brochure_water_convention_french.pdf

Cette convention a été ratifiée par 26 pays et ne concerne que les pays membres de la CEE. Elle contient quelques principes généraux sur la gestion des ressources en eau. L’objectif est de renforcer les mesures et traités nationaux et internationaux visant à l’aménagement et à la protection des eaux transfrontalières.

§ La Convention des Nations Unies sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation (1997)

Télécharger : http://untreaty.un.org/ilc/texts/instruments/english/conventions/8_3_1997.pdf

Cette convention établit des normes coutumières et ratifie les principes généraux et approches juridiques évoqués ci-dessus. Les deux principes sous-jacents à toute la convention sont les principes d’unité de la ressource en eau et du respect mutuel des Etats. La convention nécessite 35 ratifications pour son entrée en vigueur en tant que droit conventionnel. Or, seuls 16 pays l’ont signée en 2005. Nombre d’Etats y sont réticents, refusant de limiter leur souveraineté existante et de se plier à ce qui pourrait devenir des normes internationales obligatoires en matière de gestion de l’eau.

§ Déclaration de la Hague sur la sécurité de l’eau au 21ème siècle (2000)

Télécharger : http://www.africanwater.org/hague_declaration.htm

Réaffirment les principes de sécurité de l’eau et alimentaire, de protection des écosystèmes, de partage des resources en eau, de management des risques écologiques, de valorisation de l’eau et de gestion intelligente de l’eau.

Il est un peu tôt pour dire que des lois internationales sur la gestion des eaux existent et fonctionnent. Cependant, les avancées récentes, tant en matière de réflexion que de rédaction, laissent à penser que cette discipline est sur la bonne voie. Dans un bassin comme le Cauvery, qui est pourtant inter-étatique, on se rend compte de la nécessité d’un arbitrage neutre et extérieur. Ni les gouvernements locaux ni le gouvernement indien ne réussissent à trouver une solution à un conflit qui dure depuis plus de 125 ans. Un tribunal local a été créé, mais le verdict qu’il a rendu en 2007 a été contesté par les deux parties. En serait-il autrement si les Etats avaient soumis l’arbitrage à une instance internationale supérieure ? C’est une des questions auxquelles nous tenteront de répondre dans notre prochaine newsletter sur le Cauvery.

Sources & A voir:

Le droit international de l’eau existe-t-il ? - Evolutions et perspectives - par J. SIRONNEAU, Novembre 2002

Sources of International Water Law, FAO Case Study N° 65, 1998

Site de l’International Law Association (ILA) www.ila-hq.org

Site de la Cour Internationale de Justice (CIJ) www.icj-cij.org

Site de l’International Water Law Project (IWLP) www.internationalwaterlaw.org


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