Entre Deux Eaux

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Expertise en management stratégique de projets complexes dans le domaine de l’eau

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Agriculture

L’irrigation et la gestion de l’eau

L’allocation et la gestion des ressources en eau est un défi majeur du 21ème siècle. Aujourd’hui plus d’un milliard de personnes n’ont toujours pas accès à l’eau saine et un tiers de la population est privée d’eau potable. De plus, d’après les données de la FAO, les besoins en eau augmentent deux fois plus vite que la population mondiale, et s’accroissent dans les régions où les ressources sont déjà faibles (Moyen Orient, zones arides de l’Afrique).
Les chiffres sont alarmants et la question d’une gestion intégrée des ressources se pose. Or 70% de toute l’eau utilisée au niveau mondial servent à l’irrigation. Le domaine de l’agriculture représente donc un point clé de ce défi.

Pourquoi une telle dépense ?

Tout d’abord parce qu‘elle est nécessaire. En effet la population mondiale ne cessant d’augmenter, les besoins en nourriture croissent aussi. Or comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous, l’irrigation permet de doubler voire tripler les rendements des cultures céréalières ; cela entraîne pour conséquence une augmentation des surfaces irriguées, qui représentent aujourd’hui plus de 40% de la production mondiale. La FAO estime ainsi que 80% des besoins alimentaires des 8 milliards d’êtres humains attendus en 2025 pourront être couverts grâce à l’agriculture irriguée.

Rendements et besoins en eau des cultures irriguées (bleu) et pluviales (rouge)

Rendement céréalier de production à haute consommation d’intrants (kg/ha)

Besoin en eau (m3/ha)

Source : FAO, Focus 2003, Moderniser la gestion de l’irrigation

• Deuxièmement parce que c’est une pratique très répandue : sur 1,5 milliards d’hectares de surfaces cultivées dans le monde, 18% sont irriguées, soit 270 millions d’hectares répartis de la manière suivante :

• Troisièmement parce que l’irrigation telle qu’elle est pratiquée actuellement n’est pas globalement efficiente (cultures non adaptées, pertes d’eau dans des systèmes défaillants, systèmes vétustes…). Ainsi au Pakistan de longs canaux d’irrigation en mauvais état entraînent une perte de 80% de l’eau entre l’amont et l’aval, en France les réseaux d’eau potable ont une moyenne de 40% de pertes… C’est dans ce troisième point que se trouve le principal levier d’action : il faut augmenter l’efficience de la gestion.

Comment diminuer cette dépense en eau ?

La première réponse consisterait à éviter les aberrations menant au gaspillage, comme l’exploitation de 80% des ressources en eau de la mer d’Aral entre 1973 et 1999 afin d’engendrer 40% de la production mondiale du coton. De même les cultures intensives de fraises en Espagne ou les orangeraies du Maroc relèvent de l’incohérence, car ce sont deux cultures gourmandes en eau dans des pays arides qui puisent dans les nappes jusqu’à disparition complète des ressources, sans parler des autres dégâts environnementaux liés à l’utilisation des produits chimiques… Adapter les cultures et avoir un mode de gestion raisonnée des ressources locales est le défi le plus important.
Cependant il est très difficile d’enrayer ces maux, basés sur des motivations économiques au poids énorme : par exemple l’exploitation de la mer d’Aral constituait à l’époque 95% de la récolte cotonnière de l’ex Union. Souvent, seule des injonctions politiques sont à même de les contrer, si aucune solution économique satisfaisante parallèle n’est proposée.

Une autre réponse consiste à améliorer l’efficience des systèmes d’irrigation. En effet il existe aujourd’hui trois principaux types d’irrigation :

Irrigation gravitaire - ArdepiL’irrigation gravitaire, elle représente 80% de l’irrigation mondiale. Le principe est simple : des tranchées sont creusées entre les lignes de cultures, légèrement en pente et de l’eau est versée au début de chaque ligne. La consommation en énergie est faible voire inexistante si le système est manuel, la main d’œuvre ne nécessite pas de formation, et le matériel est rudimentaire. Cependant ce système engendre une efficience en eau de maximum 60%, soit minimum 40% de pertes… En effet l’eau s’infiltre très rapidement dans le sol et les pertes par percolation sont énormes.

L’irrigation par aspersion, elle regroupe tous les systèmes actuels d’enrouleurs, de rampes frontales ou pivotantes… C’est le système que l’on trouve aujourd’hui majoritairement en France et dans les « pays développés » ou émergents. Ce système est fiable, permet un contrôle des doses aisé, et la qualité de l’irrigation est élevée (l’aspersion des cultures mime la pluie). Cependant ces appareils sont coûteux, encombrants et sensibles au vent, ils ne peuvent donc pas être installés partout. Mais leur efficience (de 85% à 100%) est bien supérieure à celle de l’irrigation gravitaire, ce qui leur vaut la faveur des politiques de développement. Ainsi les microcrédits associés à la révolution verte indienne par exemple ont permis l’explosion de ce système dans des Pays en Voie de Développement.

L’irrigation au goutte à goutte. C’est probablement le futur de l’irrigation, mais ce n’est pas encore adaptable aux grandes cultures céréalières. Ce système consiste à diffuser directement sous chaque plant une dose en eau régulière au goutte à goutte, comme son nom l’indique, par un réseau de tuyaux. L’efficience de ce système est de 100%, les pertes en eau sont nulles, les végétations parasites ne peuvent pas se développer, l’apport est parfaitement dosé et il est possible d’associer simultanément l’apport d’eau à l’apport d’engrais au plus près des besoins réels de la culture, par un système appelé fertigation. Cependant les canalisations sont longues, l’importance de la topographie du terrain ne peut être négligée et surtout ces installations sont fixes, souvent coûteuses et utilisables quasi uniquement sur des cultures maraîchères.

L’irrigation gravitaire constitue nettement le type d’irrigation le plus utilisé dans le monde à l’heure actuelle. Pourtant entre la demande énorme en eau qu’il génère (les plants en début de ligne sont sur-arrosés afin que les plants en fin de ligne récupèrent un minimum d’eau) et son efficience très faible avec des pertes par percolation, il est de loin le système qui gaspille le plus d’eau.
Améliorer l’efficience de l’irrigation au niveau mondial aujourd’hui consiste donc majoritairement à développer des systèmes d’irrigation mieux adaptés que le modèle gravitaire, soit par aspersion pour les cultures céréalières, soit au goutte à goutte pour les cultures maraîchères.

Pour aborder chacun de ces projets il existe une démarche d’évaluation et de mise en place de l’aménagement décrite ci-dessous :

1. Inventaire des ressources : étude du régime hydrologique (donc de la faisabilité du projet), évaluation des besoins en eau de la culture par un bilan hydrique :

ΔS (t) = ΔS (to) + P + I – ETR – Pe + R

2. Evaluation économique et financière
3. Choix des dispositions techniques (mode d’irrigation, réseau, infrastructures, matériel…), modélisation hydraulique
4. Conception des systèmes de régulation et de gestion des ouvrages
5. Calcul des impacts sur l’environnement
6. Définition des mesures d’accompagnement (surtout si le projet se déroule en Pays en Voie de Développement)

Cette démarche est essentielle afin de créer des projets d’irrigation les plus efficients possible, et elle permet également d’inscrire ces projets dans une politique de développement durable, que ce soit au niveau environnemental au travers du calcul d’impact, ou au niveau humain avec une prise en charge complète du projet par un groupe local. Elle est aujourd’hui appliquée dans la majorité des projets d’irrigation et représente un point clé permettant de relever le défi de la gestion des ressources en eau.

Cependant même si les évolutions actuelles sont remarquables dans le domaine de l’irrigation, il reste un très grand nombre de facteurs que nous ne savons pas encore analyser et qui laissent un sentiment de débat permanent dans le secteur de la gestion des ressources en eau. C’est notamment le cas lors de la construction de barrages, comme le barrage d’Assouan en Egypte, qui a permis de multiplier les récoltes par deux, mais qui appauvrit le sol à vitesse grand V…Qu’en sera-t-il dans quelques années ? De nombreuses contradictions masquent également les enjeux : les céréales sont en surproduction au niveau mondial et pourtant il existe encore trop de gens mal nourris…
De plus, malgré l’évolution permanente des techniques et la place prépondérante de l’agriculture dans les débats d’aujourd’hui, les investissements ont tendance à décliner : les potentiels sont déjà très exploités, le prix des produits agroalimentaires fluctue énormément mais reste faible (à part dans le domaine céréalier), les investissements sont élevés et les financeurs misent sur l’institutionnel. Il en découle un taux de croissance très faible des surfaces irriguées ces dernières années, inférieur à 1% depuis 1990.

Cet article a été rédigé par Marion Hassenforder, étudiante en agronomie à Rennes et accessoirement la petite sœur adorée d’Emeline.

Sources :

• FAO Aquastat, Système d’informations sur l’eau et l’agriculture, http://www.fao.org/NR/WATER/AQUASTAT/MAIN/indexfra.stm
• CEMAGREF, Sciences eau et territoire, Laboratoire d’essai et de recherche des matériels d’irrigation, http://www.cemagref.fr/le-cemagref/lorganisation/les-centres/aix-en-provence/laboratoire-dessais-et-de-recherche-des-materiels-dirrigation
• MAC Irrigation et gestion de l’eau, Agrocampus Ouest, Zahra Thomas, Juin 2008
• Gestion Intégrée des Ressources en Eau- Principes et Exemples, Agrocampus Ouest, C. Cudennec


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