Débat
Bouteille ou Robinet ?
Le débat a touché les foules en France il y a de cela quelques années. Il faut avouer que lorsque l’on voyage, le sujet fait doucement rire : en comparaison à 90% des pays de la planète, l’eau qui coule dans nos maisons françaises est d’excellente qualité. Comble du luxe, nous utilisons même de l’eau potable pour nous laver ou tirer la chasse d’eau ! A quelques milliers de kilomètres, nos voisins d’Afrique se battent, ne serait-ce que pour satisfaire leur soif. Nos ultra précautions nous rendent si fragiles que peu de touristes voyagent aujourd’hui dans des pays en développement sans se gaver de cachets. Jusqu’où faut-il pousser le vice ?
Potable ou non ?
La « potabilité » de l’eau est un terme très vaste. Il n’existe pas de paramètre mondial déterminant qu’une eau est potable ou non. Cette définition vient en premier lieu des estomacs, dont la sensibilité varie en fonction des lieux et des cultures. L’eau peut être en effet porteuse de nombreux parasites, bactéries ou virus. Cependant ce n’est pas parce que l’on opte pour une eau embouteillée que sa composition sera meilleure que l’eau naturelle. Certaines marques dans les pays en développement ont des standards de qualité extrêmement faibles. Mais nous ne sommes pas là pour faire la liste noire.
Concrètement, que peut-on attraper si l’on boit l’eau du robinet en pays étranger ? Au mieux, une bonne diarrhée, avec un peu de fièvre. Et là, on sait tous quoi faire : boire du Coca ainsi que, remède de grand-mère, un litre d’eau dans lequel ont été dissouts 3 cuillères de sucre et une de sel (pour assurer la réhydratation). D’autres maladies sont plus dangereuses comme le choléra, la fièvre typhoïde, la dysenterie ou encore la bilharziose. Un petit conseil : mieux vaut se renseigner avant de partir (ce genre d’info est inscrite dans l’introduction des guides de voyage) car une fois arrivés sur place, les réponses que vous risquez d’avoir sont du type « tout dépend de toi, moi je la bois mais lui pas… ». Et puis rien ne sert de faire comme les locaux, ils sont résistants, eux. Pour les voyages de longue durée par contre, autant y aller petit à petit au début, puis laisser son corps s’habituer, ça rend la vie plus facile !
Au Soudan par exemple, les rues sont remplies de grandes jarres en terre que les familles remplissent quotidiennement d’eau fraîche du Nil. Ces jarres symbolisent les âmes des défunts de la famille. Chaque défunt qui y boit soulage un peu plus l’âme du mort. Lorsque la température avoisine les 50°C, il n’y a pas que le défunt que ça soulage ! Même si l’eau du robinet est globalement potable au Soudan, mieux vaut s’abstenir les jours de Haboub (tempête de sable). Le réseau, au même titre que les appartements, les voitures et tout ce qui est mobile ou non, s’emplit en quelques heures d’un sable si fin qu’aucun filtre ne peut totalement l’annihiler. Le processus de potabilisation fait maison devient alors long et pénible : d’abord la faire bouillir, puis refroidir, la filtrer à travers un tissus d’abord puis un maillage plus fin (de type mouchoir en papier ou sopalin). Enfin la placer au frigo. Boire l’eau du robinet devient alors un véritable chemin de croix.
Contrôle de l’eau du robinet
En France par contre, les réseaux d’eau sont soumis à des contrôles très stricts. La Directive Européenne de 1998 statue sur la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. Sa transposition en loi française a aboutit au décret 2001-1220 du 20 décembre 2001 (relatif aux eaux destinées à la consommation humaine, à l’exclusion des eaux minérales naturelles). Ce texte est désormais intégré dans le Code de la santé publique (article L 1321). Encore une fois, ces règles sont bien plus strictes que dans de nombreux autres pays. C’est pour ça que notre taux de mortalité est également moins élevé, me direz-vous. C’est vrai, mais n’oublions pas qu’aujourd’hui, près d’un milliard de personnes n’ont toujours pas accès à une source d’eau potable sûre (Source : Millenium Development Goals Report 2008). Même si ce chiffre s’est grandement amélioré (1,6 milliards de personnes en moins depuis 1990), il reste encore beaucoup à faire. Mais si beaucoup des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) risquent de ne pas être atteints d’ici leur échéance en 2015, l’eau a de bonnes chances de l’être.
Les problèmes de l’eau en bouteille
En premier lieu, l’eau en bouteille n’est pas nécessairement meilleure que l’eau du robinet, d’un point de vue qualité (en France en tout cas). Beaucoup choisissent l’eau embouteillée car l’eau du robinet a un léger goût de calcaire (comme à Lille, je confirme !) ou de chlore. Pour cela, un petit coup dans le réfrigérateur et il n’y paraîtra plus. La fraîcheur fait disparaître beaucoup de choses ! Reste aussi la solution des carafes filtrantes ou encore des adaptateurs à fixer directement au robinet.
En deuxième lieu, les bouteilles en plastique constituent un dégât considérable pour l’environnement. S’il n’est pas aussi important que les couches (sur lesquelles je viens de lire un article : un désastre écologique !), il est loin d’être négligeable. Deux types de polymère composent en effet les bouteilles en plastique : celui du corps de la bouteille (le polyéthylène téréphtalate ou PET) et celui du bouchon (le polyéthylène haute densité ou PEhd). La différence de densité de ces deux composites permet de les séparer assez facilement, puis de les envoyer dans des usines de recyclage pour la fabrication de nouveaux produits. Le PET est principalement utilisé pour la fabrication de textiles alors que le PEhd permet de fabriquer divers produits comme des bacs à fleurs, des tuyaux, des bidons d’huile moteur, des poubelles, des bancs de jardin, etc. Cependant, à peine la moitié des bouteilles en plastique produites aujourd’hui sont recyclées. Et ce recyclage coûte cher : le coût écologique de fonctionnement des usines est parfois plus important que celui de la destruction de ces bouteilles.
En Inde, comme dans de nombreux autres pays en voie de développement, le tri des déchets est réalisé à même la rue par des « scavengers » (récupérateurs ou trieurs de poubelles), ces personnes fouillant dans les déchets pour en retirer la moindre pièce dont ils pourraient tirer profit. Organiser le recyclage à grande échelle dans ces pays signifie aussi la mort de nombre de ces petits emplois permettant de faire survivre la tranche sociale la plus basse de la population.
Ma première idée avait été d’écrire un article sur les bienfaits écologiques de l’eau du robinet contre l’eau en bouteille. En faisant une recherche rapide sur internet, je me suis vite rendu compte que des dizaines de sites internet et de blogs sur l’environnement avaient déjà traité le sujet. C’est pourquoi je souhaitais inscrire ce sujet dans une optique plus vaste, celle de l’international, pour nous rappeler la chance que nous avons. Depuis 19 mois, nous essayons au maximum de réduire notre consommation de bouteilles en plastique, sans compter les sachets dans lesquels tout bon commerçant souhaite les enrubanner. Ici, ils finissent dans la rue et ultimement sur les cultures avoisinant les villes, faisant des déserts d’immenses poubelles. Vivre dans un pays développé, c’est avoir reçu une éducation et une curiosité permettant de comprendre un système, et non seulement ses résultats directs. Mettons nos connaissances à profit, apprenons et partageons !