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Les relations Israélo-turques

Lorsque Gaza change la donne

Suite aux évènements récents en Israël et Palestine, nous avons pu constater en Turquie, comme dans de nombreuses autres villes à l’international, de nombreux mouvements de défense de Gaza. Les drapeaux affichant « Intifada » ornent les rues et leur flottement rappelle aux turcs leurs liens de cœur avec ce peuple aujourd’hui souffrant. Les affiches faisant campagne pour recueillir des dons pour la reconstruction de la bande sont présentes sur presque chaque porte de magasin. Cependant, politiquement, la Turquie est un des principaux alliés d’Israël. Pourquoi ce clivage entre le politique et le peuple ? C’est ce que nous avons cherché à comprendre en remontant un peu en arrière dans les relations entre l’ancien Centre de l’Empire Ottoman et l’Etat juif.

La coopération entre ces deux peuples remonte à la fin du 15ème siècle, en période d’Inquisition dans de nombreux pays d’Europe. L’Empire Ottoman se fut refuge de nombreux juifs tout comme cinq siècles plus tard, lors de la Deuxième Guerre Mondiale. En 1949, la Turquie est le premier pays musulman à reconnaître Israël. La coopération politique se poursuit puisqu’en 1958, date où Ben Gourion et Adnan Menderes signent un accord de coopération contre « le radicalisme au Moyen-Orient et contre l’influence soviétique ». Entre les années 60 et les années 80, le rapprochement se ralentit puis reprend de plus belle, marqué par la nomination d’ambassadeurs respectifs. A partir de 1993, Israël et la Turquie entretiennent officiellement des relations diplomatiques puis politiques, militaires, économiques et culturelles. Il faut souligner que ce sont les deux seules démocraties de la région !

Au niveau de l’eau, la Turquie et Israël sont des alliés forts. La Turquie est en effet en quelques sortes le « réservoir d’eau » du Tigre et de l’Euphrate et les sources du Jourdain, occupées en 1967 par Israël, ne suffisent pas à combler les besoins de l’Etat hébreu. Un projet fut donc mis en place : le projet « Manavgat ». L’objectif est simple mais non moins ambitieux : fournir à Israël 50 millions de m3 d’eau douce par an pendant vingt ans qui seraient transféré par camions-citernes (tankers) géants de la rivière Manavgat en Anatolie jusqu’aux côtes israéliennes.

Ce projet signé en 2004 entre le Premier ministre israélien Ariel Sharon et le Ministre Turc de l’Energie Zeki Cakan fit des vagues au niveau de la presse internationale et l’accord « de l’eau contre des armes » fut dénoncé par le quotidien britannique le Guardian ainsi que le journal Haaretz en Israël le 5 janvier 2004. Cet accord fut démenti quelques jours plus tard par le Ministre Turc de l’Energie. Selon les deux quotidiens, les mètres cubes d’eau seraient fournis en contrepartie de chars israéliens ainsi que de technologies destinés à l’armée de l’air. Ce projet fut avorté en 2006, a priori pour des raisons économiques liées à l’augmentation du coût du baril de pétrole.

Mais alors que s’est-il passé le 30 janvier au Forum Economique Mondial de Davos ?

Recep Tayyip Erdogan (RTE) et Shimon Pérès (SP) ont eu un « accrochage », principalement lié à la situation actuelle à Gaza que la Turquie, malgré ses accords antérieurs avec Israël, ne cautionne pas. En en discutant beaucoup autour de nous en Turquie, nous avons pu noter quelques erreurs de traduction que nos hôtes n’ont pas manqué de nous souligner et dont nous voulons vous faire part afin de rappeler que l’information qui vient à nos oreilles n’est pas toujours celle que nous croyons. Effectivement, dans de nombreuses versions du discours du premier Ministre Turc, il est traduit (de RTE à SP) « Vous êtes vieux ». En réalité, la version turque, tout comme la tradition du pays, est explicite : « Vous êtes plus âgé que moi » (sous-entendu, je vous respecte). La Turquie est un de ces pays du Moyen Orient qui voue sagesse aux anciens. RTE a également reproché aux organisateurs du débat de n’avoir bénéficié que de 12 mn de parole alors que son homologue israélien avait eu une élocution de 25 mn. Ce coup d’éclat du premier Ministre turc est loin d’être le premier. En Turquie, il est un Sarkozy local : le journal télévisé de 18h30 est le moment où chaque turc attend les pérégrinations journalières de son Premier Ministre.

A priori, cet incident n’aura fait que renforcer la popularité de RTE sans entacher les relations avec Israël puisque les deux discoureurs belliqueux ont renouvelé quelques jours plus tard leurs engagements nationaux vis-à-vis de l’autre partie.

Il semble que les relations d’échange mutuel entre Israël et la Turquie dépendent beaucoup de la position d’Israël face à Gaza. Ici, presque 70 million de turques pleurent chaque victime palestinienne supplémentaire. La semaine dernière, en Anatolie, nous sommes retrouvés dans un village de 350 habitants en pleine montagne qui n’avaient pour toute possession que quelques poules et un âne. Et pourtant, chacun avait fait don de ses quelques lires turques d’économie aux victimes, réunissant en tout 600 YTL, soit 300 €, une fortune et les économies de toute une vie. Une belle leçon d’humanité.

Les dates clés des relations israëlo-turques depuis 1996:

(source : lematin.ch, 30 janvier 2009)

23 février 1996 : accord cadre de coopération militaire, vivement critiqué par la plupart des pays arabes et l’Iran

25 oct. 1999: Visite officielle du Premier ministre israélien Ehud Barak, au cours de laquelle il inaugure un “village israélien” suite au séisme du mois d’Août.

8 août 2001: Le Premier ministre turc Bulent Ecevit affirme que la demande d’Israël d’un arrêt absolu de la violence avant toute reprise des négociations avec les Palestiniens est “irréaliste”.

2002: Deux projets de modernisation de 300 hélicoptères et 170 chars sont confiés par la Turquie à la compagnie publique israélienne Israeli Military Industries.

L’AKP (Parti de la justice et du développement), issu de la mouvance islamiste gagne les législatives en Turquie. Recep Tayyip Erdogan devient Premier ministre.

31 mai 2004: M. Erdogan qualifie de “terrorisme d’Etat” les tirs israéliens contre des civils palestiniens à Rafah (sud de la bande de Gaza)

1er mai 2005: Visite en Israël de M. Erdogan, qui propose de servir de médiateur dans le conflit israélo-palestinien.

Février 2006 : Une délégation du Hamas est reçue en Turquie, gelant pour quelques mois les relations avec Israël.

12 nov. 2007: Le président israélien Shimon Peres prononce un discours en hébreu devant le Parlement turc.

Nov. 2008 : Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan déclare lors de sa visite en Inde que Israël et la Turquie ont un projet de pipelines qui permettra de fournir du gaz et du pétrole à l’Inde

29 déc. 2008: Ankara affirme que l’offensive israélienne sur la bande de Gaza rend “impossible” la poursuite des négociations israélo-syriennes par l’intermédiaire de la Turquie.

30 jan 2009: Coup de colère de M. Erdogan à Davos (Suisse) pendant le débat avec M. Peres sur Gaza.

A lire sur le même thème :

Elise Ganem, L’Axe Israël-Turquie. Vers une nouvelle dynamique proche-orientale ?, Éditions L’Harmattan, 2005


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