Entre Deux Eaux

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Expertise en management stratégique de projets complexes dans le domaine de l’eau

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Canal Red - Dead

Mer en sursis

Il y a des modes dont on se passerait bien, comme la tecktonik ou l’assèchement de grandes étendues d’eau. Les variations saisonnières nous avaient habitués à découvrir certains lits de rivières asséchés, comme par exemple en été dans le sud de la France. Certaines régions jouent dans une autre cour et constatent de jour en jour que leurs lacs ou mers s’évaporent vers d’autres cieux comme c’est le cas pour la Mer D’Aral en Asie centrale ou le Lac Tchad en Afrique. On imagine mal Annecy accueillir les JO en 2018 sans son lac ! Etudions le cas de la Mer Morte pour éviter de reproduire les mêmes schémas.

Comme à son habitude, Mère Nature avait tout prévu : nous offrir un système aquatique à forte salinité et aux propriétés particulières pour que nous puissions y renouveler les pores de nos peaux abimées. Mais comme d’habitude, nous avons tout fait tomber à l’eau. Et justement, l’eau, dans la région, est plutôt rare ; il faut donc aller la chercher dans des nappes plus lointaines (aquifère de montagne ou de Gaza) en territoires palestiniens et dans le Jourdain.

Avec les quelques sources provenant des montagnes côtières, le Jourdain est le principal contributeur de la Mer Morte. Son bassin hydrographique est partagé entre cinq pays : Liban, Syrie, Israël, Palestine, Jordanie et une mer : la Mer Morte. Cela fait beaucoup de prétendants pour une demoiselle qui offre une dot de seulement 1750 millions de m3/an. A titre comparatif, la Seine en propose environ 9 fois plus.

Jourdain

La Syrie et le Liban prélèvent leur part dans le Yarmouk et le Hasbani. Israël a, pour sa part, construit un « National Water Carrier » (Transporteur d’eau national) pour pourvoir à sa consommation et en revendre une partie à la Palestine. La Jordanie possède de son coté le King Abdullah Canal et, en fin de course, la Mer Morte obtient enfin sa part du butin. En plus de toutes ces amputations en amont, la Mer Morte se voit retirer annuellement des millions de m3 supplémentaires par les entreprises de potasse localisées sur ses rives sud.

Entreprise de potasse

Sink Hole

Conséquence: la Mer Morte se meurt, ne laissant visibles que les cicatrices de sa lente agonie. Son niveau descend en effet d’environ un mètre par an, emportant dans son tracé des poches de sel souterraines qui provoquent à leur tour des effondrements de terrain du nom de « sinkholes », destructeurs pour tout élément se trouvant sur leur passage : routes, maisons, cultures…

Année

Surface totale en km2

Niveau

1950

950

-390

1975

800

-398

2000

640

-414

2020

565

-434

Source : Benvenisti (2007)

Photo satellite de la mer morte

« Il faut sauver la Mer Morte ! » Voici le nouveau cogito des politiques de la région. C’est ainsi que de vieux projets ressortent des tiroirs, dont un en particulier qui fut déjà bien huilé depuis 1855 : relier les mers de la région.

A l’origine, ce projet Mer Mediterrannée – Mer Morte avait pour objectif de maintenir la suprématie britannique sur la route des Indes en concurrençant le projet français de Suez. Puis le projet fut évoqué pour son potentiel hydroélectrique ; cependant le Med-Dead Israélien fut rejeté par une mesure de L’ONU en 1984 sous impulsion jordanienne. Ce sont finalement ces mêmes Jordaniens qui remettent le projet sur le tapis lors du sommet de Johannesburg en 2002 en proposant un canal entre la Mer Rouge et la Mer Morte pour sauver cette dernière et rétablir les relations dans la région. Environnement et Paix, il n’y a certainement pas plus vendeur en ce moment. Car de l’argent, il leur en manque ! La Jordanie, à elle seule, ne peut financer un tel investissement: 15 Millions de $ pour l’étude de faisabilité, entre 800 Millions et 20 milliards pour la construction.

Grand canal national - Israel

Une danse de zéros qui nécessite une importante action marketing. En effet, construire un « canal de la paix » sans inclure un des riverains principaux (la Palestine) ou prétendre à la bonne conscience environnementale lorsque 20 ans auparavant ce même projet avait été refusé pour des raisons écologiques, cela sonnait un peu faux.

Mais entrons dans l’ingénierie du projet. L’objectif est de construire un canal de 180km entre la Mer Rouge et la Mer Morte et de se servir du différentiel de niveau (400m) pour produire l’énergie nécessaire à désaliniser une partie de l’eau transportée afin de générer de l’eau potable.

Grand projet qui ne demande qu’à être financé ! C’est à ce moment là qu’entre en scène la Banque Mondiale. Selon le Ministère Jordanien de l’eau et de l’irrigation, la Banque Mondiale fut impliquée « pour marketer le projet auprès des organisations Internationales capables de financer un tel projet » comme l’UE, l’AFD (FRA), GTZ (GER), USAID (USA) ou JICA (JAP).

Mais elle eut également une influence dans l’intégration de la Palestine au projet. En mai 2005, sous la pression de la Banque et de l’Autorité Palestinienne, le territoire arabe fut intégré dans la signature des termes de références en tant que « bénéficiaire » au même titre que ses voisins. Cette reconnaissance géographique et politique était finalement l’objectif avoué des Autorités Palestiniennes. Peu importe l’impact environnemental, voilà un acteur qui a déjà obtenu ce qu’il souhaitait.

Les trois pays, sous l’égide de la Banque, ont finalement réussi à se mettre d’accord sur un document pour débuter une étude de faisabilité qui commença l’année dernière (Mai 2008) et donnera son verdict dans 2 ans.

Les trois ans précédant le lancement du projet on été mis à profit pour trouver les financements pour produire l’étude, sélectionner les consultants qui vont réaliser l’analyse (Coynes et Bellier pour l’étude de faisabilité et ERM pour l’évaluation sociale et environnementale) et organiser des consultations du public.

Désormais, autorités, financeurs, chercheurs et environnementalistes sont pendus au compte-rendu que proposerons les experts pour savoir si oui ou non :

§ Le mélange des eaux des deux mers risque d’entraîner une précipitation chimique,

§ L’activité tectonique de la vallée d’Arava ne remet en cause la construction du conduit,

§ L’énergie produite sera suffisante au fonctionnement de l’usine d’extraction de sel,

Pour les principaux concernés que sont la Jordanie et Israël, le projet est une nécessité et les gouvernements refusent d’envisager une conclusion négative à l’étude de faisabilité. La foi qu’ils portent à ce projet est aussi forte que celle transmise par St Jean Baptiste et leur aveuglement pour des solutions alternatives s’explique certainement par le fait que le projet soit leur unique option politique, en accord avec leurs voisins et entièrement financé par la communauté internationale.

« Rouvrir les vannes du Jourdain, c’est ouvrir une énorme boîte de pandore, cela pose un problème politique majeur explique Julie TROTTIER politologue, Univ. de Newcastle. Car si l’on décide de ne plus détourner l’eau pour l’irrigation, il faudra revoir totalement la façon dont l’eau est aujourd’hui partagée… »


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