Entre Deux Eaux

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Expertise en management stratégique de projets complexes dans le domaine de l’eau

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Convention

Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide

Nous avons entendu parler de la « Déclaration de Paris » pour la première fois lors de notre séjour à Vientiane, au Laos, où se situe le siège de la Commission du Bassin du Mékong. Lors de notre rendez-vous, nos deux interlocutrices mentionnent la Déclaration de Paris, comme « un processus initié en 2005 par l’OCDE sur l’efficacité de l’aide. Elle est reprise par presque tous les pays qui bénéficient de la coopération, comme c’est le cas des pays constituant la Commission sur le Bassin du Mékong (MRC)».

L’objectif est que les donateurs aient un meilleur suivi du projet ou programme et que l’organisation choisisse elle-même où elle dépense les financements. Globalement, les donneurs qui financent un projet peuvent donner leurs financements :
- Au projet en particulier,
- Au programme dans lequel s’inscrit ce projet,
- A l’organisation qui met en place le projet et le programme.

Le niveau le plus d’efficacité, et de confiance entre donneur et bénéficiaire se situe sur le 3ème point : lorsque l’organisation financeur donne les financements à l’organisation bénéficiaire qui s’occupe elle-même de répartir les fonds. Au jour de notre rendez-vous, la MRC se situait entre le niveau projet et programme. Mais regardons plus en détail le contenu de cette fameuse Déclaration de Paris.



La Déclaration


La déclaration de Paris fut entérinée le 2 mars 2005. Son objectif principal était de continuer à augmenter les efforts d’harmonisation, alignement et gestion de l’aide, dont le processus avait commencé dès la fin de la Guerre Froide. Mais peut-être devrions-nous commencer par un petit rappel chronologique.



Petit historique de l’aide


On entend par “efficacité de l’aide” l’efficacité de l’aide au développement à atteindre le développement économique ou humain (ou les objectifs de développement). Car l’aide n’est pas nécessairement efficace : elle peut être mal distribuée, avoir des objectifs qui ne correspondent pas aux besoins du pays, tomber dans les mains de douaniers corrompus, enfin, bref, tout un tas de raison pour lesquelles les dollars déboursés par les pays ou les organismes financeurs ne seront pas forcément bien utilisés. Il existe ainsi de multiples façons d’améliorer l’aide : grâce à des indicateurs, en réalisant des formations ou en supportant une meilleure gouvernance.

L’après seconde Guerre Mondiale : L’ « Aide » avec un grand « A » commença à la fin des années 1940 lorsque les Etats-Unis proposèrent leur aide afin de reconstruire l’Europe.
La Guerre Froide : Pendant la Guerre Froide, le principe d’aide s’est développé mais il ne fut pas vraiment équilibré et servit majoritairement à supporter les alliés.
L’après Guerre Froide : ce n’est que vers la fin du siècle que l’aide commença à se tourner vers la réduction de la pauvreté et la promotion di développement.
Années 1990 : Dans les années 1990, le mouvement d’efficacité de l’aide commença à prendre forme : les gouvernements donneurs et les agences d’aide se rendirent compte que leur aide avait de lourds coûts pour les pays et ils décidèrent de s’entendre pour l’harmoniser.
En 2002, eut lieu la Conférence Internationale sur le financement du Développement à Monterrey, Mexique, qui établit le Consensus de Monterrey. L’objectif de ce consensus est double : augmenter les fonds pour le développement et aider les pays à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement. Pour la première fois, l’aide commence à être envisagée comme un partenariat et non plus comme une relation à sens unique.
En 2003, lors du Premier Forum de haut niveau sur l’Harmonisation à Rome, les donneurs s’engagèrent à travailler avec les pays pour mieux coordonner et reconcentrer leurs activités au niveau des pays.
La deuxième édition du Forum en 2005 donna naissance à la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide.
En 2008, le troisième Forum prit place à Accra, au Ghana et définit L’Agenda d’Accra pour l’Action (AAA) afin de planifier les différentes étapes dans le but d’atteindre les objectifs de la Déclaration de Paris.

La Déclaration de Paris a plusieurs avantages par rapport aux précédents textes et réunions internationales dans le domaine :
• Elle est basée sur l’expérience d’un demi-siècle d’aide,
• Elle propose donc des action concrètes et ne se contente pas simplement d’articles théoriques,
• Son principe premier est la responsabilisation des donneurs et des bénéficiaires et un travail à double sens,
• Elle fut le résultat d’un large consensus entre une centaine de ministres, de responsables d’organismes d’aide et d’autres hauts fonctionnaires de la communauté internationale,

La Déclaration présente 56 engagements de partenariat qui s’articulent autour de cinq grands principes
- Appropriation : pour que l’aide soit durable, il faut que les pays en développement doivent mener leurs propres politiques et stratégies de développement, et coordonner les actions de développement ;
Indicateur : Que les ¾ des pays en développement aient développé leurs propres stratégies de développement nationales d’ici 2010.
- Alignement : Les donneurs ne peuvent choisir leur domaine d’action et doivent aligner leur aide derrière les priorités énoncées par les stratégies de développement nationales des pays en développement. Quand c’est possible, ils doivent déléguer le management de l’aide aux institutions locales suivant leurs procédures locales. Sinon, ils doivent aider les pays à renforcer ces institutions. Les donneurs doivent augmenter la prédictibilité de l’aide en s’assurant que les fonds soient versés dans le temps imparti et continuer à « délier » leur aide d’obligations qui les lieraient aux produits et services provenant des pays donneurs ;
- Harmonisation : Les donneurs doivent coordonner leurs actions entre eux et les rendre plus transparentes afin d’éviter les duplications et de forts coûts de transaction pour les pays pauvres ;
Indicateur : Que les donneurs fournissent les 2/3 de leur aide via des « approches basées sur les programmes » d’ici 2010.
- Gestion axée sur les résultats : Toutes les parties doivent concentrer leurs ressources et orienter leur prise de décision vers les résultats, en développant de meilleurs outils et systèmes pour mesurer l’impact tangible de l’aide sur les populations.
Indicateur : Que la proportion de pays en développement qui ne possèdent pas de cadre d’évaluation de la performance diminue d’1/3 d’ici 2010.
- Responsabilité mutuelle : Les donneurs et les pays en développement doivent tous deux porter la responsabilité de l’utilisation des fonds dédiés à l’aide et être plus transparents vis-à-vis l’un de l’autre ainsi que de leurs citoyens et parlements.
Indicateur : Que tous les pays aient des procédures de rapport publiques sur les résultats du développement d’ici 2010.

La Déclaration développe 12 indicateurs afin de suivre les progrès faits par rapport aux grands engagements de partenariat énoncés.



Les point faibles de la Déclaration

La Déclaration est déjà une belle avancée. Cependant, il reste quelques points faibles qu’il serait important d’améliorer. Les premiers points ont été mentionnés dans L’Agenda d’Accra pour l’Action (AAA). Ils concernent majoritairement l’appropriation, l’inclusion de tous les stakeholders dans les partenariats et la gestion axée sur les résultats. Il n’est effectivement pas évident de modifier un système d’aide qui fonctionne depuis des décennies et changer les mentalités, particulièrement auprès des gouvernements et de grandes institutions multinationales, est un processus qui prend du temps.
D’autres points ont été développés entre autre par le Briefing Paper N°40 de l’Overseas Development Institute (ODI) “Aid effectiveness after Accra: How to reform the ‘Paris agenda’” (Juillet 2008).
L’un d’entre eux concerne également la gestion des résultats et donc les outils de management de projet, que nous utilisons beaucoup dans notre étude. L’ODI souligne qu’il est important aujourd’hui de s’éloigner des cadres restreints qui sont utilisés aujourd’hui pour mesurer l’efficacité de l’aide. Souvent, les outils de management de projet considèrent les livrables qui résultent du projet : le nombre de formations qui aura été mis en place, le nombre de livres qui aura été distribué,… Cependant, si personnes ne participe à ces formations ou si les livres sont distribués à des adultes alors qu’ils auraient dû l’être à des enfants, les objectifs, en termes de management de projet seront remplis, mais l’impact, sur la population, sera quais nul. C’est pourquoi il est important de travailler sur le résultat global du projet et non sur la somme de détails. Cependant, plus on se situe au niveau global, plus la tâche est difficile.

D’autre part, certains domaines sont plus affectés que d’autre par la politique nationale. C’est le cas de l’eau par exemple. Lorsque l’on considère le projet du GAP que nous avions étudié en Turquie, la construction de barrages et d’usines hydro-électriques étaient intégrés dans un programme plus grand de construction de routes, de développement du marché local et des villes, d’amélioration des systèmes agricoles,… Lorsque les donneurs considèrent l’alignement de leurs fonds sur les politiques nationales, ils doivent prendre en compte ces données, afin de savoir s’il est plus logique de mettre en place un projet ou un programme, de l’intégrer dans une approche multisectorielle ou de le traiter à part entière.
Aujourd’hui, et on les comprend, les donneurs sont encore très réticents à s’engager dans la politique des pays, tout comme les pays sont réticents à changer leurs stratégies. Les partis sont généralement plus motivés à couper le gâteau afin de s’assurer une réélection qu’à réfléchir à la façon de l’agrandir. On assiste en effet aujourd’hui à une aide limitée par la durée des mandats. D’ailleurs, comme c’est le cas ici au Paraguay, nombre de donneurs multilatéraux établissent leur stratégie nationale en fonction de la durée de ces mandats. La vision de l’aide dans nombre de pays en développement est donc limitée à 4 ou 5 ans et empêche l’implantation de processus de développement à plus long terme. Cependant, ce n’est qu’en passant par ce type de réflexion que l’efficacité de l’aide, telle qu’elle est définie dans la Déclaration de Paris, pourra être effective.
Enfin, le dernier point concerne les Etats membres de cette déclaration. Rappelons que les deux donneurs « montants » de ce début de siècle sont l’Inde et la Chine qui investissent à Tire Larigot en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie. Cependant, la Chine ne fait pas partie des pays signataires.



La polémique de l’aide: faut-il aider ou non?

Il y a de ceux qui disent que les pays en développement ne pourraient jamais s’en sortir sans l’aide et d’autres qui considèrent que la situation d’ « assistanat » dans lequel l’aide les maintient ne fait qu’aggraver la situation. Faut-il être pour ou contre l’aide au développement ?

Ayant moi-même réalisé une mission humanitaire au Burkina Faso il y a 4 ans, j’avoue me situer plutôt du côté des pour que des contre. En effet, le Burkina Faso fut un des pays cible de l’aide au développement pendant de nombreuses années. Le résultat est tel que de nombreuses associations, même à petit budget comme c’était le cas de la nôtre, se sont concentrées sur ce pays de l’ouest africain. Aujourd’hui, presque tous les villages ont accès à l’éducation, car une école a été construite dans les environs. En termes de développement, c’est aussi la somme de petites chose qui font les grandes, surtout en ce qui concerne la santé et l’éducation de base: on ne peut pas améliorer le niveau de vie de la population de tout un pays, même avec plusieurs millions de dollars.

A cela, on peut rétorquer que nombre d’organisations humanitaires dépensent les fonds durement épargnés par nombre de concitoyens des pays développés en broutilles. On peut utiliser l’argument des 4×4. Certes. Nous avons été au Bangladesh, avons marché dans les rues de Dacca et avons compté le nombre de 4×4 d’organisations humanitaires qui traversaient les rues. Vitres teintées, carrosserie d’un blanc éclatant. Pourquoi ne roulent-ils pas en deux chevaux comme tout le monde me direz-vous ? Je ne suis pas pour ce genre de pratique, mais pour nous être rendus plusieurs fois sur le terrain, essayez-donc de trouver une route goudronnée qui vous emmène jusqu’au village désiré au Bangladesh, au Cambodge ou au Paraguay. C’est peine perdue ! De plus, à mon avis, les organisations internationales et ONG se doivent d’avoir un rôle de représentation. On ne reçoit pas un Ministre dans une voiture qui tombe en ruine et dans un bureau avec des fuites, aussi stupide que cela puisse paraître. Il y a différents types d’aide, de différents montants et à différents niveaux, il ne faut pas tout confondre : toutes ne peuvent pas avoir un impact sur le PIB du pays, toutes ne sont pas des dons et toutes ne sont pas à l’échelle multinationale.

Un point sur lequel je serai plus intransigeante concerne l’alignement mentionné dans la Déclaration de Paris. Ce paragraphe mentionne que les donneurs doivent continuer à « délier » leur aide d’obligations qui les lieraient aux produits et services provenant des pays donneurs. Encore à l’heure actuelle, nombreux sont les dons qui partent dans les pays en développement et reviennent illico presto dans le pays d’origine. Par quelle magie ? Prenons, par exemple l’Agence Française de Développement (AFD). Imaginons un projet d’infrastructure, comme, par exemple, un canal entre la Mer Rouge et la Mer Morte. L’AFD finance une partie du projet et engage un appel d’offres pour les entreprises. Au final, Véolia (entreprise française) est embauchée et l’aide de l’AFD finance l’entreprise. Les pays disposeront toujours de l’infrastructure, mais l’impact économique au niveau local est très limité. Le but ici n’est pas de fustiger l’AFD ou Véolia, ces pratiques sont très courantes et tendent à disparaître. De plus, il n’est pas toujours évident de trouver dans le pays bénéficiaires une entreprise ayant les compétences nécessaires pour implanter le projet. Mais c’est justement là ce que la Déclaration de Paris tente d’améliorer.

Aujourd’hui, et notamment grâce à la Déclaration de Paris, l’aide tend à être de plus en plus efficace. Des programmes globaux contre le Sida, la Malaria ou la Tuberculose par exemple dans le domaine de la santé, sont mis en place, laissant moins de place pour les petits projets mais permettant un impact plus grand dans ces domaines.



L’eau et l’aide


L’eau est –elle en retard par rapport à la santé et à l’éducation, en termes d’aide? C’est la question à laquelle tente de répondre le Briefing Paper N°40 de l’Overseas Development Institute (ODI) “Is water lagging behind on Aid Effectiveness?” (Septembre 2008). Petit résumé. Selon le papier, certains facteurs donnent le sentiment que l’eau, comparée à d’autres secteurs comme la santé et à l’éducation, peut recevoir moins d’attention de la part des donneurs. En effet, l’eau est un secteur particulier car il a des caractéristiques à la fois d’un secteur social et infrastructurel. Les capitaux investis dans le secteur de l’eau sont donc globalement bien plus importants que dans la santé et l’éducation. De même, l’eau, au moins dans sa partie infrastructurelle, retire donc bien plus de retour sur investissements que la santé et l’éducation où les dons sont plus nombreux. Ainsi, l’eau est un secteur large qu’il est difficile d’appréhender dans sa globalité. C’est pourquoi les outils de management ont longtemps été mois développés que dans d’autres secteurs.

D’autre part, comme mentionné ci-dessus, l’eau est un secteur fortement interconnecté avec de nombreux autres secteurs du développement : l’économie, la religion, la culture, les échanges. Lorsque l’on démarre un projet sur un fleuve, il faut envisager son impact sur tous ces secteurs, mais aussi l‘influence de ces secteurs sur l’eau. Cette différence existe non seulement entre les secteurs, mais également à l’intérieur même du secteur de l’eau : des infrastructures d’approvisionnement en eau dans le milieu rural ou des systèmes de canalisations urbains à petite échelle sont des projets relativement « simples », sans risques et avec peu d’incertitude et qui pourront donc être réalisés docilement. Par contre, lorsque l’on considère des systèmes de réseaux pour l’approvisionnement ou le traitement des eaux usées, il est impératif d’utiliser des approches financières de projet, les coûts initiaux étant élevés et les investissements massifs.

Enfin, le secteur de l’eau attire de nombreux de donneurs n’ayant pas signé la Déclaration de Paris, et notamment la Chine, avec de potentiels impacts négatifs sur l’efficacité de l’aide dans ce domaine, ces nouveaux donneurs n’étant pas alignés avec les principes de la Déclaration.



En savoir plus


 Texte de la déclaration de Paris
(FRANÇAIS) http://www.oecd.org/dataoecd/53/38/34579826.pdf
(E NGLISH) http://www.oecd.org/dataoecd/11/41/34428351.pdf
 Revue de l’OCDE sur le développement: Coopération pour le développement Rapport 2005 intitulée “Efficacité de l’aide : Trois bonnes raisons de penser que la déclaration de Paris aura des effets positifs” A ACHETER SUR http://www.oecd.org/document/30/0,3343,fr_2649_33721_36150494_1_1_1_1,00.html#Comment_obtenir
 Site du Development Assistance Committee (DAC) de l’OCDE et du Working Party on Aid Effectiveness (WP-EFF).
www.oecd.org/dac

 Briefing Paper N°40 de l’Overseas Development Institute (ODI) “Is water lagging behind on Aid Effectiveness?”, September 2008
http://www.odi.org.uk/resources/download/1894.pdf
 Briefing Paper N°40 de l’Overseas Development Institute (ODI) “Aid effectiveness after Accra: How to reform the ‘Paris agenda’”, July 2008
http://www.odi.org.uk/resources/download/1885.pdf


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