Entre Deux Eaux

Entre Deux Eaux

Expertise en management stratégique de projets complexes dans le domaine de l’eau

Entre Deux Eaux RSS Feed
 
 
 
 

Réflexion

Considérations aquatiques

Nous sommes aujourd’hui dans la ville de Paraná, dans la province d’Entre Rios au Nord de l’Argentine. Heure de faire un point sur la situation de l’eau (et la nôtre) dans la région. Nous ne l’avons pas fait exprès (quoique) mais « Entre Rios » signifie littéralement, « entre les fleuves » : la province est engoncée entre le Paraguay et Paraná, les deux fleuves majeurs de la région, non moins importants que respectivement un pays et une ville ont pris leur nom. En réalité, la coïncidence n’est pas si insignifiante que cela.

En effet, notre étude dans la région porte sur l’aquifère Guarani qui est situé en dessous des quatre pays : Brésil, Paraguay, Argentine et Uruguay. Nous nous déplaçons donc dans la région de l’aquifère afin de rencontrer nos interlocuteurs. Or, l’aquifère n’est bien sûr pas visible à l’œil nu, il est enfoui sous des dizaines voire des centaines de mètres de basalte. Cependant, à ses extrémités, dans la zone dite d’affleurement, l’aquifère est moins profond (seulement 3 à 4 mètres) et c’est dans ces zones qu’il se recharge. Or, l’eau de la recharge provient de la surface, c’est-à-dire de la pluie, de l’irrigation, des rejets de l’homme, mais aussi des fleuves. Nous voilà donc en train de nous balader tranquillement au bord du fleuve Paraná, et non en combinaison de spéléologues au fond d’une grotte.

Enfin, bien tranquillement n’est pas exactement le terme adéquat. En ce moment, une bonne partie du Nord de l’Argentine est entièrement sous les eaux. Nous souhaitions nous rendre à Concordia, ville frontière entre l’Argentine et l’Uruguay et qui fut pendant quelques années la ville pilote du projet que nous étudions. Mais en envoyant des demandes sur couchsurfing, notre hôte nous prévient : « il n’y a rien à voir tout est sous les eaux ». La ville n’est que partiellement accessible et nous portons donc notre choix sur la petite ville de Paraná, à quelques kilomètres à l’ouest. Mais ici aussi, le niveau des eaux est au plus haut : la ville présente habituellement une zone balnéaire en bord de fleuve avec quelques plages et vendeurs de churros et empanadas. Mais en ce moment, la plage est sous les eaux et la route qui longe le fleuve menace à tout moment de partager son sort. A Corrientes, encore plus au nord, à la frontière avec le Paraguay, idem. Si bien que les argentins, jamais en manque d’idées, ont créé une plage flottante qu’ils ont amarrée en bord de fleuve. La « plage » consiste en réalité en un ponton flottant sur des bouées où ont été installés parasols et chaises longues. Un peu plus loin, quatre planches de bois en carré au milieu du fleuve déterminent même une piscine, trônant comme l’eau au milieu de l’eau. Ils sont fous ces argentins !

Mais la situation n’est pas la même partout. Si la région méridionale de l’Amérique du Sud possède une grande quantité d’eau, on ne peut pas en dire autant de la région un peu plus nordique qui par endroit est carrément désertique. C’est le cas par exemple du Chaco au Paraguay ou du Mato Grosso au Brésil. Encore une fois, l’homme a su prendre le pas sur la nature. Nous avons rencontré Daniel Garcia, géologue qui a travaillé sur le Guarani. Depuis le projet sur le Guarani terminé (en février 2009), Daniel (en Amérique du Sud tout le monde s’appelle par les prénoms) travaille avec les indigènes Guaranis au nord du Paraguay. Là bas, pas de fleuve et très peu de pluies, les populations dépendent donc quasi entièrement des puits. Seulement, l’eau est saline, rendant la situation encore plus difficile. Un peu plus à l’ouest, au Brésil (où résident également les Guaranis), c’est un canal qui a été créé afin d’acheminer l’eau du San Lorenzo vers le nord. Finalement, que ce soit en Jordanie, en Inde ou au Brésil, lorsque l’on n’a pas d’eau, il n’y a pas 36 000 solutions.

A ce propos, qu’en est-il au niveau de la loi ? On ne peut bien sûr pas prendre de l’eau où on veut et quand on veut. Au Brésil, au contraire de l’Inde, l’eau de surface n’appartient aux états que lorsqu’elle coule intégralement sur le territoire de l’état. Lorsque qu’un fleuve est partagé entre deux états, sa propriété et sa gestion reviennent au gouvernement national. Peut-être le conflit sur le Cauvery ne durerait-il pas depuis 150 ans si la constitution indienne était ainsi faite ! Quant à l’eau souterraine, elle est propriété des états, dans la limite de leur territoire. Mais le cas de l’eau souterraine est bien différent de celui de l’eau de surface : pour y avoir accès, il faut du matériel, des ressources, et surtout, de l’argent ! Sur l’aquifère Guarani, qui est très profond, peu de particuliers peuvent donc se payer le luxe de creuser un puit sur leur terrain. Ce rôle revient aux entreprises publiques et privées qui forent le basalte pour obtenir une eau de bonne qualité. L’avantage ? Un fort investissement de départ mais une rentabilité rapide car l’eau souterraine nécessite peu, voire pas, de traitement préalable avant d’être consommée. D’ailleurs, depuis un an que nous voyageons, c’est la deuxième fois, après Israël, que nous pouvons boire l’eau du robinet. Une coïncidence ? Dans le monde de l’eau, cela n’existe pas. Souvenez-vous : le cycle de l’eau est imperturbable…


Warning: is_writable() [function.is-writable]: Unable to access /cache/php.err in /mnt/153/sdb/c/5/entre2o/wp-includes/wp-db.php on line 200

Leave a Reply

Notre Bibliothèque

Inscrivez-vous à la newsletter

E-mail:

S inscrire
Se désinscrire

Photos

Maison coloniale
Universté des mutants, cest pas génial? Après le Ministère de la graine de moutarde en Ouganda...

Films