Transport
Les minibus Namibiens
Il faut absolument que nous vous contions l’histoire des minibus namibiens. Il était une fois deux voyageurs, appelons-les Ben et Emeline pour faciliter la narration, qui voyageaient en Namibie. Ou plutôt non, disons qu’ils arrivèrent en Namibie par la frontière nord, Mohembo, dans la bande de Caprivi, au nord du Botswana. Arriver là était déjà une aventure en soi. Partis à 6h du matin, ils avaient pu s’asseoir à l’arrière d’un pick-up gouvernemental qui leur avait fait remonter le Panhandle de l’Okavango (partie du fleuve située juste avant le delta). Après une traversée de quelques minutes en ferry, ils se retrouvèrent à marcher, sous la bruine, en direction de la frontière namibienne…
Pas un chat ne hantait le poste de douane. Il était 9h du matin et ils étaient bien fiers d’avoir déjà parcouru une telle distance à une heure si matinale. Processus administratif motswana rapide et efficace, le panneau « Welcome to Namibia » les attendait au milieu du No Man’s Land. Dans l’autre sens, un panneau identique accueillait les voyageurs faisant le chemin inverse, avec la mention « merci de ne donner des sous aux officiers gouvernementaux sous aucun prétexte ». Les panneaux bordant le pays doivent sûrement avoir un rôle à jouer dans la réputation de non-corruption du Botswana. Une fois la deuxième frontière passée, Ben & Emeline avaient l’intention de repartir à pied jusqu’à la ville la plus proche, lorsqu’un officier s’approcha d’eux : « Vous ne pouvez pas franchir la barrière du poste frontière à pied, derrière il y a la réserve de Bwabwata pleine de lions, rhinocéros, hippopotames et crocodiles. Il est formellement interdit d’y entrer autrement qu’à l’intérieur de l’habitacle d’un véhicule. Il vous faudra attendre la prochaine voiture ». La dernière voiture était passée 3 heures auparavant et depuis, la pluie s’était mise à tomber à verses. Ils commencèrent à jouer aux cartes (depuis le temps où ils voyageaient ensemble, ils connaissaient tout un tas de jeux à jouer à deux, mais leur préféré restait de loin la belote de comptoir).
Finalement, un taxi venu amener un passager en sens inverse put les amener jusqu’à la ville la plus proche. Ils découvrirent par la même occasion qu’en Namibie, les taxis sont tous collectifs. Un passager installé confortablement à l’arrière ne devra s’étonner de voir le chauffeur s’arrêter à tous les coins de rue, hurlant à la fenêtre à la recherche d’une personne se rendant dans la même direction. Si le chauffeur est honnête, le passager paiera moins cher, mais c’est rare. La plupart du temps, il paiera le même prix, tout comme les nouveaux arrivants. (Pas la peine de souligner que si le passager est blanc et ne parle pas la langue, il peut toujours essayer d’argumenter il aura toujours tort). Ben & Emeline demandèrent à leur chauffeur de les déposer à la station de minibus. Ledit concerné n’en fit rien et les déposa à une station essence en leur lançant : « demandez aux gens où ils vont, si c’est dans votre direction, ils vous prendront. » S’attendant à prendre le bus, ils découvrirent donc ce qu’était le stop en Namibie : un processus long et fastidieux et qui parfois coûte plus cher que le bus car dans ces pays, tout se monnaye. Au bout d’une heure et demie, ils finirent par trouver une place dans la camionnette d’un prêtre, engoncés entre une armoire et plusieurs kilos de Bible. A chaque bourrasque, la camionnette menaçait de se coucher sur le flanc. Ce n’est qu’en repartant de la ville où ils arrivèrent ce jour là qu’ils découvrirent les minibus en Namibie.
En ville, personne n’avait été capable de leur dire si les minibus fonctionnaient le dimanche ou non. Ils découvrirent rapidement que personne ne savait rien sur les minibus si ce n’est les chauffeurs eux-mêmes. Les minibus ne sont pas publics en Namibie, ce sont des particuliers qui achètent le véhicule, puis achètent une licence au Ministère des Transports ou au noir. Comme un chauffeur souligna un jour à Emeline :
- Acheter la licence au Ministère coûte 700 Dollars namibiens (environ 70€) mais il faut attendre 6 mois pour l’obtenir. Au noir, elle coûte 13 000 dollars namibiens, mais on l’a immédiatement.
- Alors vous avez obtenu la vôtre au Ministère ?
- Bien sûr que non, je ne voulais pas attendre 6 mois pour commencer mon business !
Emeline ne chercha pas plus longtemps à comprendre la logique de ce processus mental. Elle aurait bien essayé d’expliquer au chauffeur qu’il aurait pu prévoir les choses à l’avance et commencer son application avant son business, mais elle n’en fit rien. A cette étape, elle savait déjà qu’il ne fallait pas toujours chercher la logique là où parfois il n’y en avait pas.
Ils partirent donc au plus tôt, car on leur avait tout de même sous-entendu qu’il y avait plus de chances de trouver un minibus entre 6h et 7h que plus tard dans la matinée. Quand à l’après-midi, il fallait l’oublier. A 6h15, ils arrivèrent à la station essence qu’on leur avait indiquée. Trois minibus de 19 places attendaient en file indienne. Les minibus étaient en fait des vans organisés de la sorte : 3 places à l’avant, dont le chauffeur (ne pas oublier que le Botswana et la Namibie roulent à gauche), et à l’arrière, accessibles par une porte coulissante, 4 rangées de 3 places et, au fond, une rangée de 4. Les trois minibus allaient dans la même direction : Oshakati, à l’ouest du pays. La destination des deux français, Tsumeb, se trouvait à mi-chemin entre leur point de départ et Oshakati. Simplement, pour un namibien, pas question de prendre deux personnes qui paieront moins cher et s’arrêteront à mi-route, le risque de ne pas trouver d’autres passagers est trop grand. Il y avait bien un autre 4×4 en direction de Tsumeb, mais il semblait désespérément vide car personne ne semblait vouloir aller dans cette direction. Ils décidèrent d’attendre à côté du 4×4. Les trois minibus se remplissaient assez rapidement en face d’eux et ils savaient que le troisième serait aussi le dernier de la journée. Le 4×4, par contre, restait désespérément vide. Ils attendirent ainsi jusqu’à 8h30. Deux heures pour un français, c’est extrêmement long, surtout lorsque l’on ne sait même pas si l’on va vraiment pouvoir partir ou non. Ils se voyaient déjà retourner penauds au centre ville pour recommencer l’opération le lendemain. Finalement, alors que le troisième van était presque plein, le chauffeur les invita à y embarquer. Certes, le prix était un peu plus élevé, mais au moins ils étaient sûrs de partir ; Ce serait toujours moins cher que de repayer une nuit d’hôtel. Le plus étonnant avec les minibus namibiens, c’est qu’ils passent plusieurs heures (Ben & Emeline apprirent par la suite que 2h était le lot commun, la moyenne se situant plus autour de 5 à 6h d’attente) à attendre devant une station service que leur bus se remplissent.
Et une fois que vous croyez enfin être parti, le minibus démarre, parcoure les quelques mètres qui le séparent de la pompe à essence, s’arrête et ouvre ses portes. Et là est le plus étonnants : tous ces passagers, qui eux aussi ont passé quelques heures à attendre devant la pompe à essence, et donc devant les toilettes de la station qui l’accompagne, sont tous pris d’une soudaine envie de faire pipi. Après avoir attendu 3 à 4h, le minivan s’immobilise donc à nouveau pour une vingtaine de minutes. Une fois le plein fait, un rituel spécifique est à suivre : il consiste à secouer le bus. Est-ce pour faire pénétrer l’essence dans le circuit jusqu’au moteur et en mettre plus ? Est-ce pour la tasser ? Est-ce pour la mélanger ? Le mystère resta entier pour les deux voyageurs. Ils se contentaient de regarder le phénomène typique qui se déroulait sous leurs yeux. En général, le chauffeur trouve toujours 2 ou 3 nouveaux passagers retardataires lors de cet arrêt initial. Il charge donc leurs bagages dans la remorque, qu’il recouvre à nouveau d’une bâche en plastique et d’un filet, et demande aux passagers de se serrer sur les banquettes. En général, c’est là que le transport devient vraiment inconfortable. Rappelons qu’il fait 40° et que les banquettes sont si rapprochées qu’on peut à peine plier les genoux pour poser ses fesses sur le tissu troué. Heureusement, les fenêtres ont l’énorme avantage de pouvoir s’ouvrir.
En général, aller d’un point à un autre en Namibie prend en moyenne une journée, quelque soit la distance. Certains trajets sont plus courants que d’autres, et donc plus passants (prenons par exemple la route entre Windhoek et Swakopmund) mais rien ne vous assure jamais de ne pas tomber dans une tempête de sable ou simplement en panne parce que malgré les secousses, le réservoir était trop petit pour faire la distance désirée. Prendre son mal en patience, c’est la seule option, ou louer une voiture, pour ceux qui en ont les moyens. Welcome to Namibia !