Entre Deux Eaux

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Infrastructures

Itaipu & Salto Grande, de ces œuvres binationales…

Que l’on soit pour ou contre les barrages, difficile de passer outre certains d’entre eux. C’est le cas par exemple de deux barrages hydroélectriques qui se sont trouvés sur notre route : celui d’Itaipu et de Salto Grande. Leur particularité ? Ce sont des barrages binationaux, c’est-à-dire dont la gestion est partagée entre deux pays : le Brésil et le Paraguay pour le premier et l’Argentine et l’Uruguay pour le second. Nous sommes passés par le premier mais n’avons malheureusement pas eu la chance de visiter le second, la totalité du Nord-est argentin se trouvant sous les eaux lors de notre passage. Comment sont gérées ces énormes infrastructures, lequel des deux pays en détient la gestion, qui s’occupe de la construction et qu’en est-il de la distribution de l’électricité ? Petite explication à travers deux exemples…



Le Barrage hydroélectrique d’Itaipu


Pour imaginer l’ampleur de cet énorme complexe hydroélectrique, il suffit de revenir un mois et demi en arrière la nuit de l’énorme blackout qui a plongé dans le noir 18 états brésiliens pendant plusieurs heures et la totalité du Paraguay pendant 20mn. Nous étions à Sao Paulo à ce moment là et le phénomène fut plutôt impressionnant. Vers 22h, les ampoules se mirent à vaciller puis à rendre l’âme. Lorsque, par la fenêtre, nous constatâmes que tout le quartier subissait le même sort, seul un Blueberry fut capable de demander à un satellite l’explication et l’ampleur du phénomène : « La problème provient d’Itaipu ! Et ce n’est pas que nous, c’est toute la ville de Sao Paulo (11 millions d’hab), Rio de Janeiro (6 millions) et le Paraguay qui en font les frais ! ». En 20mn, Sao Paulo fut plongée dans le chaos. Des gangs s’organisèrent pour piller magasins et maisons, privés de système d’alarme , le trafic fut complètement bloqué par le manque de signalisation et la pagaille s’empara de la ville. Heureusement, au petit matin, tout était rentré dans l’ordre.

Le problème ne venait en réalité pas d’Itaipu même mais de 3 lignes à haute tension connectées au barrage et endommagées par une tempête. Il faut dire qu’Itaipu, avec une puissance installée de 14000 MW et 20 turbines, fournit de l’électricité à une bonne partie du Brésil et la quasi-totalité du Paraguay. En 2000, la centrale a atteint un record de production en fournissant 95% de l’énergie consommée au Paraguay et 24% de toute la demande du marché brésilien. Le barrage a la plus grande production mondiale d’électricité, dépassant celui des Trois Gorges sur le Yang Tse en Chine. L’énergie produite par Itaipu en 2008 serait suffisante pour alimenter le monde entier en électricité pendant 2 jours, ou pour satisfaire les demandes de l’Argentine pendant un an et du Paraguay pendant 11 ans.

Le barrage est situé sur le rio Paraná, de Foz do Iguaçu au Brésil et Ciudad del Este au Paraguay et s’étend jusqu’à Guaíra au Brésil et Salto del Guairá au Paraguay, soit près de 200km de long. Le lac artificiel a une contenance de 29 millions de m³ d’eau sur une zone de 1400 km². Comme le barrage est situé non loin des chutes d’Iguazu, parmi les plus grandes chutes au monde, les touristes en profitent pour le visiter puisque le lieu est ouvert au public depuis 1977 et a accueilli depuis cette date plus de 15 millions de visiteurs, bien que le barrage en soi n’ait été finalisé qu’en 1982.

Négociations…
Le barrage d’Itaipu est le résultat d’intenses négociations entre le Brésil et le Paraguay dans les années 1960. Le 22 juin 1966, les deux Ministres des affaires étrangères signèrent l’ « Acte d’ Iguazú » , une déclaration conjointe destinée à étudier l’utilisation des ressources en eau du Rio Paraná au Rio Iguazú. Une des clauses de cet acte prévoit que l’excédent d’énergie non utilisé par un des deux pays sera vendu en exclusivité à l’autre pays participant au projet. La construction commença en 1971. Deux ans plus tard, Brésil et Paraguay signèrent officiellement le traité d’Itaipu, instrument légal pour l’utilisation hydroélectrique du Rio Paraná par les deux pays. Le 17 mai 1974 fut créée l’entité Itaipú Binacional pour la construction et l’administration du barrage. Cette entité est propriétaire d’Itaipu. Le commencement effectif des travaux eut lieu l’année suivante. Une autre date importante fut la signature de l’accord tripartite entre Brésil, Argentine et Paraguay le 19 octobre 1979. Cet accord établit les niveaux du Rio Paraná (jusqu’à son estuaire du Rio de la Plata) et les variations maximales permises pour les trois pays relativement aux différentes infrastructures hydroélectriques entreprises. A cette époque, les trois pays étant gouvernés par des dictatures militaires, l’Argentine craignait que le Brésil n’inonde Buenos Aires en ouvrant les vannes d’Itaipu dans le cas d’un éventuel conflit. L’eau : source de conflit ou arme de paix ? La barrage entra en opération le 5 mai 1984.

Comme pour tout barrage, un certain nombre d’habitants durent être déplacés, principalement dans l’état du Paraná au Brésil. Malheureusement et comme souvent, les compensations financières furent insuffisantes pour permettre aux paysans de racheter de nouvelles terres au Brésil, pays des grands propriétaires. Des milliers d’entre eux partirent donc trouver des terrains plus économiques au Paraguay. Ce phénomène social est connu sous le nom de « Brasiguayos », brésiliens résidants en terre paraguayenne à la frontière avec leur pays d’origine. Cependant, les 16 municipalités brésiliennes et l’état du Paraguay qui furent touchés par la réserve d’eau d’Itaipu reçurent des compensations financières proportionnelles à la zone inondée.

…et renégociation.
Le Traité d’ Itaipu fut un des fers de lance de la campagne électorale de l’actuel président paraguayen Fernando Lugo, décidé à renégocier les termes du Traité, arguant les faibles bénéfices reçus par son pays en comparaison avec son voisin. Après l’élection de Lugo, Luiz Inácio Lula da Silva se montra disposé à négocier et dialoguer bien que le Directeur Général brésilien d’Itaipu, Jorge Samek, ne soit pas du même avis. La réunion qui eut lieu en avril 2009 aboutit sur une impasse, le Brésil ayant proposé au Paraguay une compensation financière en échange de la non-renégociation du Traité.



La Commission Technique Mixte de Salto Grande
Le Barrage de Salto Grande, lui, n’a pas cette folie des grandeurs. Situé sur le Rio Uruguay, à 15km au nord de Salto (en Uruguay) et de Concordia (Province d’Entre Rios, Argentine), il dispose d’une puissance totale installée de 1890 MW (soit 1/10ème de la puissance d’Itaipu). Achevé en 1979, il est géré depuis par la « Comisión Técnica Mixta de Salto Grande ». Le barrage peut se visiter également et a reçu jusqu’à aujourd’hui près de 100 000 personnes par an permettant, outre sa production électrique et son approvisionnement en eau, le développement touristique régional.

Le barrage fut construit à cet endroit du Rio Uruguay, à la frontière entre les deux pays, car c’est là que la nature choisit d’y implanter un accident naturel provoquant une différence de niveau idéale à la construction d’un barrage et à la production d’hydroélectricité. En 1964 fut signée une convention binationale qui créa la Commission Technique Mixte de Salto Grande, formée par un nombre égal de délégués argentins et uruguayens. A cette époque, plusieurs objectifs étaient d’actualité :
 Etudier le comportement du fleuve,
 Choisir le lieu le plus approprié pour construire le barrage,
 Dessiner l’infrastructure,
 Chercher les ressources pour financer le coût d’un tel projet,
 …
Or, pour un projet binational, toutes ces décisions doivent résulter d’un consensus. Finalement, le projet commença en 1974 et la production d’électricité en 1979.

Aujourd’hui, le barrage couvre 60% de la demande en énergie de l’Uruguay et 10% du marché argentin, impactant fortement les prix de l’énergie en vertu de ses bas coûts de production. Le lac artificiel permet d’approvisionner en eau, mais également d’appuyer le développement de la région.

A voir :
Traité d’Itaipu (espagnol) : www.itaipu.gov.br/files/file/tratadoitaipu_Esp.doc
Site de la Compagnie qui administre le barrage d’Itaipu (Itaipu Binacional) : www.itaipu.gov.br
Site de la Commission Technique Mixte de Salto Grande : www.saltogrande.org
Articles « Pour ou contre les barrages ? » http://entre2o.free.fr/?p=253


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